Lord Cochrane et le trésor de Selkirk, Gilberto VILLAROEL

Lord Cochrane : volume 3. Mais, chronologiquement, volume 2. Voilà l’amiral au Chili où il s’est battu pour la libération du pays. Mais il n’a pas été payé de retour : déçu, il remet donc sa démission et se prépare à partir pour de nouvelles aventures au Brésil où ses immenses qualités seront sans doute appréciées à leur juste valeur. Du moins, l’espère-t-il. Mais un tremblement de terre dévastateur et meurtrier, et de nouvelles révélations changent en partie ses plans.

Un roman historique avant tout

Par rapport aux précédents ouvrages de Gilberto Villarroel mettant en scène le personnage de Lord Cochrane (Cochrane vs Cthulhu et Lord Cochrane vs l’Ordre des catacombes), qui étaient déjà très portés sur l’Histoire et son intégration dans un récit, Lord Cochrane et le trésor de Selkirk franchit un pas. On trouve très peu de fantastique dans ce roman. Cette dimension est réservée, semble-t-il, à sa suite annoncée, Lord Cochrane et les montagnes hallucinées. Ici, on voit l’amiral écossais vivre de nombreuses aventures, mais rien qui sorte de l’ordinaire (enfin, pour un héros de sa trempe, bien évidemment). Il commence par survivre au tremblement de terre qui a touché le Chili en 1822, juste au moment où il donnait officiellement sa démission. Le climat politique n’était décidément plus en sa faveur et ses conseils n’étaient pas suivis. Il préférait aller au Brésil où un poste l’attendait. Puis, grâce à des renseignements acquis en remerciement d’un sauvetage, il se met à la recherche du trésor de Selkirk, le célèbre marin qui a servi de modèle pour le personnage de Robinson Crusoe. Et, pour pimenter le tout, il retrouve sur sa trace un ennemi de haute valeur, le capitaine Corrochano, lui aussi déçu par les politiques et qui a donc décidé de devenir pirate. Beaucoup de matière historique brassée donc, pour un résultat que j’ai trouvé inégal et un peu long à démarrer.

Le rythme, le rythme

Je dois dire que j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman. J’étais certes habitué aux considérations historiques et politiques qui fleurissaient dans les deux précédents ouvrages de cette série, mais pas à ce point. Comme je l’ai écrit plus haut, pas de fantastique et quasiment pas d’aventures pendant une bonne centaine de pages. On a bien sûr le tremblement de terre et ses suites, mais elles sont surtout observées du côté politique : comment Cochrane se place par rapport à ses ennemis et ses amis ; et sentimentaux : que va faire l’amiral de Maria Graham, cette écrivaine et aventurière dont il s’est rapproché (alors que son épouse, Kitty, l’attend au pays). Et les détails, dates, lieux et autres, sont sans doute précieux pour quelqu’un qui attend un roman historique. Mais ce n’était pas mon cas, enfin, pas uniquement, et j’ai trouvé que cela ralentissait considérablement le rythme de ce début.

Du rêve sur papier

Par contre, quand enfin j’ai réussi à rentrer dans l’histoire, le charme a de nouveau fonctionné. Les tribulations du marin audacieux ont la grâce des récits d’enfance où se mêlent pirates et trésors, découvertes de territoires et de peuplades inconnus. Un condensé de Jules Verne et de tous les récits de flibustiers qui ont émaillé pas mal de rêves de jeunesse. Gilberto Villarroel nous offre une chasse au trésor, un peu particulière car l’enjeu ne se compte pas en monnaie sonnante et trébuchante, mais en connaissance. Mais comme dans les « vraies », on a un ennemi cruel et sans pitié, et surtout très intelligent et rusé. Et ensuite, cela vire au roman vernien de découverte de contrées lointaines et mystérieuses, aux teintes étranges et aux habitants surprenants. Comme souvent chez Villarroel, le récit est très proche de la réalité. Les Selk’nams, puisqu’il s’agit du peuple décrit dans la dernière partie du roman, existent bel et bien. Ou plutôt, ont existé en tant que peuple uni car ils ont été martyrisés entre autres par les Chiliens, et tentent depuis quelques années de faire reconnaître les préjudices subis et de retrouver leur place. Cette partie du roman (la plus grande : je dirais, les deux derniers tiers) m’a embarqué et m’a fait voyager, rêver. D’où ma frustration à la dernière page quand j’ai compris qu’il allait falloir attendre la suite et fin avec la parution d’un nouvel ouvrage plus tard. Mais bon, c’est le jeu et je suis sûr que cela en vaudra la peine. D’autant que l’on est censé plonger dans les célèbres montagnes hallucinées d’H.P. Lovecraft. Un programme prometteur. Surtout que le moyen d’y parvenir est une expédition à travers un immense tunnel à bord d’une machine à vapeur de conception familiale. Le rêve ! Tant que ce n’est pas moi qui m’y colle. Mais Lord Cochrane est là pour ça, et c’est pour cela qu’on l’aime.

Malgré un démarrage un peu longuet à mon goût, Lord Cochrane et le trésor de Selkirk a tenu toutes ses promesses : découvertes et aventures, émerveillement et étonnement sont au rendez-vous. Pour notre plus grand plaisir !

Présentation de l’éditeur : Le marin le plus audacieux de tous les temps revient pour une nouvelle aventure.Chili, 1822. Tremblement de terre et raz-de-marée à Valparaíso. Lord Cochrane, amiral de la flotte chilienne, sauve la vie du général Bernardo O’Higgins. En guise de remerciement, le général lui révèle que sur l’île principale de l’archipel de Juan Fernández, le corsaire Alexander Selkirk a caché en 1704 un trésor que personne n’a pu retrouver. Tout indique que le trésor est une relique que Selkirk a apportée avec lui d’une région du détroit de Magellan que les aborigènes appellent les Montagnes Hallucinées. Cet endroit aurait été la première demeure sur Terre d’un dieu venu des étoiles, l’immortel Cthulhu. Intrigué, Lord Cochrane part pour Juan Fernández avec son amie Maria Graham et le capitaine Eonet. Il est aussi poursuivi par un de ses vieux ennemis, le capitaine Gervasio Corrochano, un ancien officier de la marine espagnole qui commande désormais un bateau pirate, l’Águila. Cochrane est de retour pour élucider un ancien mystère et affronter de nouveaux dangers, cette fois dans les eaux dangereuses du Pacifique !

Aux forges de Vulcain – 17 juin 2022 (roman inédit traduit de l’espagnol [Chili] par Jacques Fuentealba – Lord Cochrane y el tesoro de Selkirk (2022) – 473 pages – Illustration : Elena Vieillard – 20 euros)

Merci aux éditions des Forges de Vulcain pour ce SP.

D’autres lectures : Une interview de Gilberto Villarroel chez le ChroniqueurMaks (Un bouquin sinon rien)Lhotseshar (Au Pays des Cave Trolls) – Les blablas de Tachan –


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