Le Dôme de la Méduse [La trilogie baryonique. 3], Pierre RAUFAST

Le précédent tome de cette trilogie baryonique, Le Système de la Tortue, nous avait laissé en plein suspens. L’expédition envoyée vers cette planète au dôme si étrange est en danger de mort et on pense avoir trouvé le responsable. Reste à vérifier l’hypothèse. Alerte pour ceux qui n’ont lu ni La Tragédie de l’Orque, ni Le Système de la Tortue, arrêtez-vous et sautez à la conclusion. Et allez lire ces deux romans (d’autant que le premier est paru en poche : pas d’excuse). Car je vais devoir révéler certains éléments présents dans ces deux livres.

HAL 9000 au pays de la tortue

On se doutait à la fin du précédent tome que le coupable des meurtres qui a décimé l’équipe d’exploration n’était autre que le Masterbot. Donc une machine. Le début du Dôme de la Méduse confirme les soupçons. Mais comment prévenir tous les membres de l’équipe sans avertir celui qui contrôle tout ? On l’a vu dès 2001, l’Odyssée de l’espace, le célèbre film de Stanley Kubrick, l’ordinateur peut être pour l’humain une aide précieuse comme un danger mortel. Le nom de HAL 9000 (CARL 500 en V.F.) est resté dans les annales. Et on en parle dès que la montée en puissance de l’I.A. est mise sur le tapis. Pierre Raufast ne peut être accusé d’amateurisme dans le domaine, lui qui travaille dans la cybersécurité. C’est un domaine qu’il maîtrise et cela se ressent dans le déroulé de son roman. Il trouve d’ailleurs une solution tout à fait crédible à ce problème et le récit peut continuer. Le rôle des I.A. dans cette trilogie est capital, mais beaucoup moins dans ce volume que dans le précédent. Dans ce troisième opus, on s’occupe davantage des extraterrestres et d’une sorte de realpolitik.

Alors, ce dôme ?

Je vais tenter de ne pas trop en dire, mais tout de même d’analyser rapidement ce que j’en ai pensé. Les pistes entamées dans Le Système de la Tortue semblent être les bonnes. On a donc affaire à un dôme empli d’antimatière. La moindre fuite pourrait avoir des conséquences phénoménales et explosives. Il convient donc de continuer à être extrêmement prudent dans les investigations. Même s’il est impossible, malgré les décès et la perte de nombreux spécialistes, d’abandonner une telle découverte et ses implications possibles. Aussi, il faut parvenir à déchiffrer le message (si c’en est bien un) découvert en examinant ce dôme. Et là, j’ai beaucoup apprécié la logique de Pierre Raufast. Ce rêve de contact avec une entité totalement différente de nous m’a rappelé, dans un autre style, le roman de Robert L. Forward, L’Œuf du dragon (1980), où nous suivons la progression d’êtres vivants sur une étoile à neutron. Cette cohabitation avec l’étrange, l’autre, m’a toujours fasciné (d’où ma passion pour la SF). Et elle a été en grande partie comblée dans ce roman. Surtout les recherches de sens : comment comprendre quelque chose venant d’un esprit totalement différent du nôtre. Même problème que dans Premier contact (2016) de Denis Villeneuve, lui-même inspiré de L’Histoire de ta vie (1998) de Ted Chiang. Les heptapodes (les extraterrestres) n’usent pas de la même temporalité et leur langue est au premier abord totalement incompréhensible pour les traducteurs. Tout le monde n’a pas la chance de tomber sur une pierre de Rosette.

Des tensions sur la ligne

Mais j’aime aussi dans ce roman les jeux de pouvoir et les difficultés à jongler entre toutes les volontés et toutes les contingences de notre monde. Et là aussi, j’ai trouvé mon bonheur. En grande partie en tout cas, car certaines résolutions m’ont parues un peu faciles, à la limite du deus ex machina. Mais dans l’ensemble, les luttes entre groupes, entre sociétés, entre individus sont bien décrites et très réalistes. Avec toute leur mesquinerie, leurs intérêts divergents et souvent antagonistes. Et les trahisons et coups bas que l’on se sent obligé de mettre en place pour parvenir à ses fins. Mention spéciale pour Kamal Narkami, le président de l’EPON, qui donne de l’ampleur à la figure de l’imperturbable dirigeant, qui connaît les rouages et les ficelles, et n’hésite jamais devant une saleté si son but en dépend.

Vous connaissez le proverbe ? Donne-moi du café pour avoir la force de changer ce qui peut l’être, et du vin pour accepter ce qui ne peut pas l’être.

Le Dôme de la Méduse met un point final à cette trilogie qui, sans révolutionner le genre, permet de passer un très bon moment et d’aborder des thèmes capitaux de SF. J’ai beaucoup aimé les personnages et leurs interconnexions très fortes. Et le système de la tortue m’a fait rêver un bon moment. Je souhaite que ce texte amène des lecteurices peu habitués au genre littéraire que j’affectionne par son côté abordable et tellement cohérent. Un beau voyage, vraiment.

La trilogie baryonique est composé de : La tragédie de l’Orque, Le système de la tortue et Le dôme de la méduse.

Présentation de l’éditeur : L’équipage du vaisseau M-Orca est dans le système de la Tortue depuis plusieurs mois. Le groupe de scientifiques doit continuer ses recherches malgré des difficultés techniques et des désaccords. Toutes les pistes pointent vers une forme de civilisation dont le développement est étroitement lié à l’antimatière. Mais comment explorer cette nouvelle planète avec un traître parmi leurs rangs ? Sara et Slow doivent décrypter les mystères qui se cachent sur Tortue-B, mais la méfiance et les complots sont les huitièmes passagers dans cette aventure interplanétaire.

Aux forges de Vulcain – 29 mars 2024 (roman inédit– 336 pages – Illustration : Elena Vieillard – Édition brochée : 21 euros / numérique : 14,99 euros)

Merci aux éditions Aux Forges de Vulcain (David Meulemans) pour ce SP.

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7 réflexions sur “Le Dôme de la Méduse [La trilogie baryonique. 3], Pierre RAUFAST

  1. J’ai écouté ton conseil et sauté à la conclusion 😉
    Je suis ravie de lire que ce fut un bon divertissement jusqu’au bout. C’est ce que j’attends. J’ai hâte que la suite sorte en poche pour en découvrir plus sur ce système de la tortue !

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  2. Déjà j’ai toujours adoré les romans de Pierre Raufast, intelligents, enlevés, passionnants, mais si tu fais référence à cette formidable nouvelle de Ted Chiang et de sa mise en film, alors je suis à fond preneuse et te remercie pour ton article écliré et éclairant.

    C’est ce que je trouve le plus époustouflant dans la SF, le rencontre de l’Autre qui échappe à toutes nos références, l’ouverture dans son sens le plus large.

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    1. Je ne peux qu’être d’accord avec ton enthousiasme et ta conclusion à propos de cette rencontre de l’Autre. Même si on a quand même bien souvent la figure de l’Autre comme un envahisseur, un monstre. L’étranger fait décidément toujours peur, quel qu’il soit.

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