La Croisière bleue, Laurent GENEFORT

Deux ans après Les Temps ultramodernes et son incursion dans le monde de la cavorite, Laurent Genefort nous replonge dans cet univers où les êtres humains peuvent s’élever dans les airs grâce à ce métal aux propriétés fantastiques. Où ils ont colonisé en partie Mars et Vénus et où le système solaire semble s’ouvrir à eux. Où les paquebots voguent non sur les océans, mais dans les airs. Mais où les passions humaines triomphent toujours et sont à l’origine de catastrophes gigantesques. Surtout quand la cavorite commence à montrer ses limites.

Un livre patchwork

La Croisière bleue n’est pas composée d’un seul récit. L’ouvrage est un assemblage de plusieurs textes qui tous traitent des conséquences de la découverte de la cavorite, de son exploitation et des dégâts causés par son instabilité. De petits articles de journaux, de très courtes histoires, dont celles et ceux parus dans le Bifrost 105, sont répartis entre les autres nouvelles, sous le titre de « Cavorite ». On trouve entre ces mises en bouche plusieurs nouvelles : « Le Facteur Pégase », « La Croisière bleue », « Cinquante hectares sur Mars », « Le Sisyphe cosmique » et « À la poursuite de l’anticavorium ». Elles sont de longueur très variables et sans lien entre elles. Par contre, elles sont organisées de façon chronologiques et, dans leur ensemble, donnent une vue globale et assez complète de la période durant laquelle le cavorite a dominé le monde. L’ouvrage s’achève sur l’Abrégé de cavorologie, qui avait été publié hors commerce à la sortie du premier roman de cette série. Une sorte d’essai technique sur ce métal et ses propriétés.

Une conquête vouée à l’échec

De ces textes, il ressort une image de fin de monde. Si on a pu apprécier, à la lecture des Temps ultramodernes, les progrès extraordinaires réalisés par certains pays dont la France grâce à la cavorite, avec La Croisière bleue, c’est plutôt le crépuscule de cette gloire qui ressort indubitablement. Avec la faiblesse découverte et la défaillance programmée de la cavorite et de toutes les innovations basées sur ce métal, la conquête du système solaire est compromise. Les colons de la planète Mars, qui dépendaient entièrement des liaisons avec la Terre vont devoir progressivement trouver les moyens de leur autonomie. Ou périr. C’est ce qui guette les protagonistes de « Cinquante hectares sur Mars », entraînés dans l’exploration de ce globe hostile mais qu’il faut pourtant apprivoiser pour survivre. La planète rouge sera-t-elle appelée à remplacer la planète bleue comme lieu de vie de l’espèce humaine ?

Car le règne de la cavorite est bien mort. Et les quelques tentatives pour en découvrir sur d’autres corps célestes, comme Mercure (« Le Sisyphe cosmique »), ne peuvent que rester lettre morte : trop difficile, trop dangereux, trop aléatoire, trop cher. Trop et pas assez en même temps. Et à force de jouer avec les forces de la nature, ne nous mettons-nous pas en danger (« À la poursuite de l’anticavorium ») ? Est-il vraiment sain de s’obstiner, comme nous le faisons actuellement avec les carburants fossiles, alors qu’on nous annonce leur fin prochaine ? Est-il normal de continuer à vivre sans y penser comme les voyageurs qui se pavanent sur le paquebot de « La Croisière bleue » (décidément, c’est ma période « croisières », puisque je viens de parler il y a peu, dans L’Homme superflu, d’un voyage dans l’espace sur un paquebot) ? De faire comme si de rien n’était et d’espérer qu’un miracle nous sauvera ?

Après tout, combien de femmes et d’hommes ont été à ce point bouleversés par la découverte de la cavorite qu’ils en sont devenus fous ? Certains n’ont pas hésité à se ceindre de cavorite pour s’envoler dans les cieux. Au détriment de leur existence. Ils ont viré vers le mystique, comme si le métal les appelait, leur parlait. Comme s’il leur apportait une ouverture divine. Le protagoniste du « Facteur Pégase » (titre terriblement transparent, qui rend un bel hommage au facteur Cheval) est tout aussi obnubilé par son projet fou : construire un bâtiment de ses seules mains et le conduire dans le ciel, plus haut, toujours plus haut. Au détriment, lui aussi, de sa santé. Et de celle de sa fille peut-être. Jusqu’où vont les obsessions…

Nous savons depuis Sénèque que la nature ne dévoile pas ses plus grands secrets en un jour.

Objet hybride mais beau et nécessaire, La Croisière bleue apporte une profondeur supplémentaire aux Temps ultramodernes. Ce livre permet d’aller plus loin dans la découverte de cette Terre imaginée par Laurent Genefort et de confirmer que cet auteur est un merveilleux inventeur de mondes, dans leurs détails, dans leur richesse. Ce deuxième tome est une invitation très forte, teintée d’un parfum tenace de déliquescence, à assister aux soubresauts d’une époque.

Présentation de l’éditeur :

Avec La Croisière bleue Laurent Genefort revient aux Temps ultramodernes, prix Rosny aîné, prix ActuSF de l’uchronie, et nous fait vivre les dernières heures de la cavorite.

En ce début de XXe siècle où règne l’antigravité, camions, voitures, navires parcourent le ciel. Les majestueux transatlantiques traversent mers et océans puis, une fois la côte atteinte, sont remorqués par des locomotives et se transforment en paquebots transcontinentaux. En 1923, lorsque l’Agénor appareille et que débute la croisière bleue, la quête de nouveaux gisements de cavorite exacerbe les luttes entre grandes puissances. À bord de l’Agénor, le transcontinental reliant l’Europe aux confins de l’Asie, un meurtre inexplicable a lieu. Gaspard, agent du Deuxième Bureau français, est chargé de l’enquête. Il ne tarde pas à découvrir que la victime est un espion anglais et que les puissances qui se cachent derrière cet assassinat pourraient bien faire couler l’Agénor et, dans son sillage, le monde ancien tout entier.

Albin Michel Imaginaire – 27 mars 2024 (textes en partie inédits – Illustration : Didier Graffet (j’aime beaucoup cette couverture) – 348 pages – Édition brochée : 21,90 € / numérique : 11,99 €)

Merci aux éditions Albin Michel Imaginaire (Gilles Dumay) pour ce SP.

D’autres lectures : CélineDanaë (Au Pays des Cave Trolls)Jack Barron readsLes chroniques de FeyGirlLes Blablas de Tachan

Challenge marsien (autour de la planète Mars) – 2ème édition,
lancé par Ta d loi du cine sur le blog de dasola, jusqu’au 31 mars 2025
(3ème texte)

13 réflexions sur “La Croisière bleue, Laurent GENEFORT

  1. Ça me donne envie de chanter la croisière s’amuse, tout ça 😆
    ♫ Love boat
    Love, exciting and new
    Come aboard. we’re expecting you.
    Love, life’s sweetest reward.
    Let it flow, it floats back to you. ♪

    La couverture de ce recueil de nouvelles est tout simplement sublime !! ❤

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire