Du nouveau monde, tome I, Yûsuke KISHI

Saki est une jeune fille vivant à Kamisu 66, « une agglomération de sept villages s’étirant dans un périmètre d’une cinquantaine de kilomètres ». L’ensemble est protégé par le Cordon sacré, aux pouvoirs magiques. Ainsi, les démons restent bloqués à l’extérieur. Avec ses amis, elle va à l’école, découvre avec plaisir la nature. Mais elle attend, comme eux, d’être initiée au jyuryoku. Ce pouvoir psychique ne se découvre que vers l’adolescence et il est d’une grande puissance. Cependant, lors de leur formation, ces jeunes gens vont se montrer trop curieux. Et le monde va leur apparaître soudain beaucoup plus dangereux.

Un cadre asiatique fantastique

Les amateurs de littérature japonaise fantastique ne seront pas dépaysés. Dans ce roman datant de 2008, on retrouve beaucoup de ce qui fait la spécificité de ces récits. L’amour de la nature pour commencer. Je sais que d’autres histoires lui font la part belle, mais au Japon, le regard sur les plantes, les animaux, est plus intense, plus fort qu’en Europe, par exemple. Il est presque ritualisé dans certains cas. Dans Du nouveau monde, les jeunes gens vivent à la campagne et sont en contact direct avec elle du matin au soir. Ils ont également acquis, par l’école, une connaissance ornithologique très développée. De même pour les plantes. Cette connaissance est justifiée par la dangerosité de nombreuses espèces rencontrées. Certaines produisent des œufs contenant des lames capables de déchirer un individu de l’intérieur. Ce n’est qu’un exemple. Marquant, je trouve.

Nous, les humains, sommes une espèce à la mémoire courte, même lorsqu’il s’agit de leçons apprises au prix de la souffrance.

On rencontre également des créatures dignes du bestiaire classique. Dont les rats-monstres, qui ont des côtés humanoïdes, mais des visages qualifiés de terriblement laids. Ces êtres vivent en tribus : certaines domestiquées, considérées comme inférieures aux humains qui les traitent comme des esclaves et exigent d’eux un respect réservé aux divinités ; d’autres sont restées à l’état sauvage et se montrent moins amicales. Il faut dire que le respect ne vient que de la crainte du jyuryoku, cette force psychique assez classique aussi dans les récits japonais (ah, les œuvres de Katsuhiro Ôtomo, Akira ou Rêves d’enfant !). Et ils ont peur à juste titre : ce pouvoir peut provoquer des dégâts gigantesques.

Notre futur ?

Et cela est fort nécessaire dans ce monde qui se présente comme notre avenir. Saki dit être née le 10 décembre 210. Sans préciser le point de départ de cette comptabilité. Ce n’est en tout cas pas Jésus-Christ. De plus, malgré le côté rural et simple de la vie quotidienne des enfants, on note des références à des technologies qui nous sont familières. Dans notre avenir, donc. D’ailleurs, cela nous sera confirmé vers le milieu du roman, quand les protagonistes principaux auront droit à leur révélation. Quelque chose qui va bien changer leur vision du monde. Et qui va nous mettre l’eau à la bouche. Et envie de connaître le fin mot de l’histoire. Et donc la suite. Car, c’est bien indiqué sur la couverture, ce roman est le premier tome d’une série de deux. Mais la fin est brutale et je reste sur ma faim. Conseil à ceux qui ne supportent pas la frustration : ne vous jetez pas sur ce livre, patientez jusqu’à la sortie de l’autre partie.

La raison d’être des Bibliothèques est de protéger le savoir, qui est un bien de l’humanité, or, malheureusement, à un moment donné, elles devinrent la cible d’attaques.

Du nouveau monde fait partie de ces récits qui m’imposent d’être bref, car les révélations font partie du plaisir de la lecture et je m’en voudrais de le gâcher. Dans l’ensemble, j’ai apprécié cette histoire, même si des ralentissements m’ont parfois un peu sorti du récit. Ce roman m’a semblé manquer par moments de direction, de rythme. Comme s’il se cherchait. Alors que quelques pages plus loin, les péripéties se succédaient sans temps mort. Malgré cette réserve, l’univers imaginé m’a fortement intéressé et je veux vraiment savoir ce qu’il en est de ses tenants et aboutissants. Un manga et un anime ont été inspiré par cette œuvre, mais le peu que j’en ai vu ne me donne pas envie de creuser dans cette direction. J’attendrai donc patiemment la sortie du tome 2.

Présentation de l’éditeur :

Mille ans après notre ère, le monde est en paix.

À Kamisu 66, une communauté rurale japonaise bâtie au cœur d’une nature luxuriante, les habitants vivent dans l’harmonie et l’égalité. Quant aux menaces extérieures, elles sont tenues à distance grâce au Cordon sacré.

Comme tous les adolescents, Saki et ses amis attendent avec impatience d’être initiés au jyuryoku, un puissant pouvoir psychique. Et si la réalité était plus sombre et plus inquiétante que celle qui leur a été enseignée ? Leur trop grande curiosité risque de mettre en péril cette fragile utopie…

Le 1er tome d’une saga de science-fiction japonaise inoubliable.

Lauréat du Grand Prix Nihon SF

Robert Laffont, collection « Ailleurs & Demain » – 18 avril 2024 (roman inédit traduit du japonais par Mai Beck et Dominique Sylvain –Shinsekai yori (2008)– 306 pages – Illustration : Antoine Zucconi – Grand format : 22 € / Édition numérique : 14,99 €)

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