Superméchant débutant, John SCALZI

Quand tout va mal et qu’on est proche du gouffre, rien de tel qu’un bon héritage pour vous permettre de remonter la pente. Et de retrouver une certaine tranquillité d’esprit. Est-ce bien sûr ? En tout cas, peut-être pas pour Charlie. Car si son oncle avait fait fortune dans les parkings, il avait d’autres activités moins officiellement acceptables. Et avec l’argent viennent aussi les responsabilités. Et les ennuis, explosifs.

Un bon Scalzi

Je suis un lecteur régulier de John Scalzi depuis que je l’ai découvert avec sa série du Vieil homme et la guerre. Depuis, je lis chacune de ses parutions avec un grand intérêt. Et dans l’ensemble, j’apprécie (par exemple, La Controverse de Zara XXIII ou La Dernière Emperox). Même si le roman de l’année dernière, La Société protectrice des kaijus m’avait un peu déçu. Il faut dire que l’auteur utilise un peu toujours les mêmes recettes et, parfois, cela peut lasser. Mais pas à tous les coups. La preuve, cette fois, j’ai beaucoup aimé. Superméchant débutant a été dévoré en quelques heures, un sourire légèrement niais sur mon visage. Pourtant, on y retrouve les classiques : un humour pas toujours léger, mais qui est passé comme une lettre à la poste ; des personnages stéréotypés, mais j’ai trouvé que l’auteur avait su en jouer avec une certaine finesse.

Il va falloir apprendre à connaître ceux qui comptent vous liquider, Charlie.

James Bond, l’humour en plus

En effet, John Scalzi s’est attaqué à un nouveau genre dans ce récit. Il s’en est pris aux romans d’espionnage style super espion face aux super méchants. Enfin, à peu près. Car, le le titre le laisse deviner, notre héros ne va pas nécessairement se retrouver du bon côté de la barrière. Son oncle Charlie ne gagnait pas sa vie uniquement en spéculant sur les parkings. Il se mêlait un peu beaucoup de politique en tentant d’influencer les choix des différents gouvernements. Comment ? Eh bien, grâce à ses nombreuses inventions, toutes plus étranges les unes que les autres. Prenez les films de James Bond et piochez dans les armes mégalomanes, vous aurez une petite idée de l’éventail qu’il s’était bâti. On passe allègrement du laser tueur de satellites aux dauphins capables d’espionner ou de saboter des navires.

Le cadre aussi est directement inspiré de cette saga légendaire. Le siège social de cette société est sis sur une ile, autrefois base secrète de gouvernements qui ont fini par l’abandonner. Et bien sûr, on y trouve le détail obligatoire : le volcan en activité. Quand on soigne son image de marque, il faut aller jusqu’au bout ! L’auteur pioche même du côté d’Indiana Jones, avec des références à un trésor nazi : d’ailleurs il ne s’en cache pas et cite lui-même une scène du film. John Scalzi recycle allègrement tout ce qui passe par son esprit.

Nous sommes des méchants de James Bond réunis.

Et, bien sûr, pour finir, les ennemis. Car même si on est du côté des méchants (du moins, officiellement), on se doit de rencontrer des difficultés portées par de gros méchants. Et là, Charlie est servi : toute une société secrète se dresse contre lui. Sans le savoir, il est tombé en pleine histoire d’espionnage à grand spectacle et à gros moyens. Lui qui ne savait pas comment conserver sa maison ni continuer à se nourrir convenablement. La transition va être brutale.

Candide au pays du Dr No

Ce qui fascine, évidemment, surtout au début, c’est l’écart prodigieux entre le quotidien d’une banalité affligeante de Charlie et le monde dans lequel il est projeté. D’un côté un jeune homme classique, sympathique mais banal, sans grand talent apparent, divorcé malgré lui et qui ne partage sa vie qu’avec une chatte. De l’autre, des hôtels de luxe, des armes incroyables, des aventures impressionnantes. L’opposition est forte et John Scalzi manie son humour ravageur à fond dans ces situations. La naïveté première de Charlie explose en remarques amusantes voire hilarantes face à ce qu’il découvre progressivement. Et cela nous permet, à nous lecteurice, de le suivre avec aisance. Ensemble, nous pénétrons ce monde violent et ridicule, meurtrier et sclérosé.

Ou alors je m’entends mieux avec les chats qu’avec les gens, et les chats le sentent.

Je ne dirai rien sur les chats (la couverture annonce leur importance), car ce serait cruel de ma part de dévoiler cette part du mystère. Mais ils font partie de ce qui m’a plu dans ce nouveau roman de John Scalzi. Un moment de distraction bienvenu, intelligent et au rythme équilibré. J’ai retrouvé avec joie mon auteur-bonbon, capable de me faire sourire et rêver en même temps. Et de me sortir complètement de mon corps pour prendre des habits qui ne sont pas les miens : ceux d’un Superméchant débutant, par exemple.

Présentation de l’éditeur :

« Nous proposons un service de destruction de satellites ?

— Nous avons une clientèle privilégiée, qui, en échange d’une contribution annuelle, obtient la possibilité de se servir de notre outil pour imposer des difficultés logistiques à ses concurrents. Dans l’espace.

— C’est donc un “oui”.

— C’est un “nous gagnons beaucoup d’argent en proposant un service dont personne ne se sert.” Notre clientèle ne nous paie pas pour anéantir des satellites. Elle nous paie pour avoir la satisfaction de savoir qu’elle pourrait les anéantir si elle le voulait. »

Une nouvelle inattendue vient ébranler le quotidien de Charlie, qui végète entre son pub préféré de la banlieue de Chicago, son divorce et un boulot alimentaire : son oncle Jake, magnat de l’industrie du stationnement, est mort en faisant de lui son héritier.

Est-ce la fin des ennuis ? Loin de là ! Point de parking dans son héritage, mais une base secrète au fond d’un volcan, sur une île paradisiaque où se trament les pires machinations. Charlie ne s’attendait pas à ça en se rendant chez le notaire, encore moins à des négociations syndicales avec des dauphins augmentés…

L’Atalante, collection « La dentelle du cygne » – 14 mars 2024 (roman inédit traduit de l’anglais [États-Unis] Mikael Cabon –Starter Villain(2023) – Illustration : Tristan Elwell – 320 pages – Grand format : 22,50 € / Numérique : 12,99 €)

Merci aux éditions de L’Atalante (Emma Chabot) pour ce SP.

D’autres lectures : Mureliane (Les chroniques de l’imaginaire)Les Chroniques de FeyGirl


19 réflexions sur “Superméchant débutant, John SCALZI

  1. Comme je te le disais dans ton article première ligne, celui-ci me fait bien envie. Déjà, c’est un bon point quand tu parles d’humour car le côté sarcastique que j’avais aperçu dans ton extrait me plaisait déjà pas mal. Par contre les romans d’espionnage, je l’admets ce n’est pas un genre que je connais mais ça fera une découverte supplémentaire 😉 Allée, je retiens l’idée plutôt deux fois qu’une, merci !

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  2. Il en fait un par an, à peu près, non ? Ca m’épate ce rythme de production, dans des genres si différents.

    J’avais adoré Les enfermés que j’ai lu l’an dernier. La société machin ne me disait pas trop, et celui-là bon, pourquoi pas; je voudrais plutôt me pencher d’abord sur La controverse de Zara XXIII. Mais je crois me souvenir que c’est une réécriture d’un autre texte, que je veux lire avant, pour pouvoir m’amuser à comparer les 2 ^^

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    1. Oui, c’est ça. J’avais lu quelque part qu’il s’était engagé par contrat à fournir des romans sur ce rythme pendant au moins six ans. Mais je ne suis pas certain. En tout cas, comme toi, cela m’impressionne. Et explique cette impression de superficialité parfois.

      Très bonne idée, La controverse de Zara XXIII. C’est un de ceux que j’ai préférés. J’attends de lire ce que tu en penses.

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