Pour ces premières lignes, je joue la sécurité. Avec John Scalzi, on est rarement déçu. Ce roman va sortir le 14 mars chez L’Atalante, l’éditeur français de cet écrivain américain. Donc c’est pour très bientôt. Et c’est tant mieux, car j’ai bien besoin de me vider la tête du quotidien assez peu enthousiasmant et de plonger dans les délires romanesques de cet auteur qui a la bonté de publier (c’est dans son contrat) un titre par an.
Premières lignes
J’ai appris la mort de mon oncle Jake d’une manière très inattendue, c’est-à-dire par la matinale de CNBC.
J’allumais la télévision sur cette chaîne par habitude. Quand j’étais journaliste économique au Chicago Tribune, j’alternais entre CNBC, Bloomberg et Fox Business pendant que ma femme, Jeanine, et moi nous préparions le matin. J’en éprouvais moins le besoin depuis quelque temps : pour les professeurs remplaçants, il est rarement vital de se tenir au courant de l’état des marchés en Asie afin d’assurer la garderie d’une classe de cinquième en cours de littérature anglaise. Néanmoins, les habitudes ont la vie dure, il faut croire.
C’est ainsi, alors que je tartinais mon pain grillé de beurre de cacahuète, que j’ai entendu le nom de Jake Baldwin jaillir du haut-parleur de l’iPad allumé sur l’îlot central de la cuisine. Je me suis figé en plein tartinage, couteau en main, en entendant le co-animateur de l’émission, Andrew Ross Sorkin, annoncer que mon oncle Jake, milliardaire reclus propriétaire de la troisième plus grande chaîne de parkings d’Amérique du Nord, venait de mourir d’un cancer du pancréas à l’âge de soixante-sept ans.
« Tu as entendu ? » ai-je lancé à ma partenaire de petit-déjeuner, qui n’était pas ma femme, Jeanine, puisque Jeanine n’était plus ma femme et ne vivait plus avec moi. Elle était retournée dans sa Boston natale, où, à en croire son compte Instagram, elle sortait avec un banquier d’investissement et passait la majeure partie de son temps sous un éclairage avantageux dans des villégiatures enviables du monde entier. Non, ma partenaire de petit-déjeuner était Héra, une chatte orange et blanc qui, lorsque je m’étais retiré dans ma maison d’enfance après mon divorce et mon licenciement, avait émergé de sous la haie du jardin et m’avait informé d’un miaulement qu’elle vivait désormais avec moi. Le petit-déjeuner d’Héra se composait de croquettes Miaou-Miam, qu’elle mangeait sur l’îlot de la cuisine en regardant la matinale avec moi ; elle cherchait de toute évidence à déterminer si Andrew Ross Sorkin était une proie avec laquelle elle pourrait jouer.
4ème de couverture
« Nous proposons un service de destruction de satellites ?
— Nous avons une clientèle privilégiée, qui, en échange d’une contribution annuelle, obtient la possibilité de se servir de notre outil pour imposer des difficultés logistiques à ses concurrents. Dans l’espace.
— C’est donc un “oui”.
— C’est un “nous gagnons beaucoup d’argent en proposant un service dont personne ne se sert.” Notre clientèle ne nous paie pas pour anéantir des satellites. Elle nous paie pour avoir la satisfaction de savoir qu’elle pourrait les anéantir si elle le voulait. »
Une nouvelle inattendue vient ébranler le quotidien de Charlie, qui végète entre son pub préféré de la banlieue de Chicago, son divorce et un boulot alimentaire : son oncle Jake, magnat de l’industrie du stationnement, est mort en faisant de lui son héritier.
Est-ce la fin des ennuis ? Loin de là ! Point de parking dans son héritage, mais une base secrète au fond d’un volcan, sur une île paradisiaque où se trament les pires machinations. Charlie ne s’attendait pas à ça en se rendant chez le notaire, encore moins à des négociations syndicales avec des dauphins augmentés…
Brèves réflexions
Chouette, un nouveau John Scalzi ! Même si j’avais moyennement apprécié son dernier opus, La Société protectrice des kaijus, je suis un fan de cet auteur car il sait inventer des histoires qui tiennent la route et il adopte un ton détaché que j’apprécie vraiment. Même si certaines de ses blagues sont un peu lourdes, l’ensemble me distrait à chaque fois. Et parfois quand il se lance dans la SF du style space opera (comme L’Interdépendance, dont j’ai critiqué le dernier volume, La Dernière Emperox), je suis aux anges. Y compris quand il se montre plus ambitieux, comme dans La Controverse de Zara XXIII.
Je suis donc tout excité par cette parution. Et intrigué par la couverture représentant un chat habillé d’un costume façon Men in black. Or, les premières lignes confirment la présence d’un chat. Qui porte un nom de déesse grecque. Et pas n’importe laquelle : Héra, l’épouse de Zeus. Donc une personne importante. Est-ce que ce détail sera pertinent ? La lecture de la suite me le dira.
Ces quelques lignes me confirment aussi la grande forme de l’auteur quant au ton détaché et humoristique. Quand il fait croire qu’il s’adresse à son épouse, situation habituelle et qu’il la déforme pour nous présenter de façon efficace et agréable la situation du narrateur, le personnage principal. On comprend vite aussi que l’évènement évoqué dès le premier paragraphe (le décès de l’oncle) va être décisif et bouleverser la vie d’un homme dont la situation sociale et personnelle ne semble pas être située au plus haut : métier qui ne lui permet pas de bien gagner sa vie, alors qu’il avait connu un autre standing ; divorce récent. Il est donc au plus bas, ou pas loin. Que va-t-il lui arriver ? Le coup de l’héritage miraculeux serait trop facile. J’attends donc avec impatience de découvrir ce que John Scalzi a inventé.
En pratique
John SCALZI, Superméchant débutant
L’Atalante (2024)
320 pages
Traduit de l’anglais [États-Unis] par Mikael Cabon
Édition brochée : 22,50 € / Édition électronique : 12,99 €
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ça semble fun, faudra que je teste cet auteur un jour
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C’est exactement ça : c’est fun. Sans grande prétention, mais avec une certaine tenue. Une distraction de qualité. J’adore.
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Ça joue donc bien son rôle 😉
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Je suis fan de la couverture et j’adore le ton du récit ! C’est un roman dont je guetterai ton avis et qui pourrait très clairement me plaire.
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Chouette, hein ? Je pense effectivement qu’il pourra te séduire, car il se lit avec facilité et beaucoup de plaisir. Une belle parenthèse.
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J’aime beaucoup cette couverture, la tenue, la posture et le regard de ce chat. 😁 J’ai repéré ce livre chez Sabine aussi (du blog Fourbis et têtologie) mais je te remercie pour le partage de ces premières lignes. Je trouve qu’il y a quelque chose de drôle, une touche de cynisme peut-être, qui pourrait bien me convenir. Je ne connais pas l’auteur mais je pourrais me laisser tenter maintenant. Merci beaucoup ! 🙂
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Oui, la couverture est amusante et assez représentative du roman.
Je vais foncer voir la critique de Sabine, histoire de voir si elle a pensé la même chose que moi.
Je confirme pour le cynisme derrière l’humour : John Scalzi pose toujours un regard désabusé sur la société à travers ses personnages entre le loser et le héros. Très distrayant !
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Oh je me suis mal exprimée pardon, elle présentait le roman dans un article général type « C’est lundi que lisez-vous » je crois. Mais peut-être a t-elle déjà lu le roman sans en reparler dans un chronique. 🙂 Je te remercie pour ces infos, je l’ai noté pour une prochaine découverte.
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Non, non, c’est moi qui ai lu trop vite.
En tout cas, ça y est, je l’ai lu. Je finalise la critique. J’ai passé un bon moment.
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Ça c’est une bonne nouvelle ! Je viens justement de la lire et mission accomplie, tu m’as convaincue 😉
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Joie !
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Je note ce titre et pour répondre à ta question, je participe aussi à ce rdv hebdomadaire….
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Parfait : je t’ajoute à ma liste !
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Je vais guetter ton avis car je partage ton analyse, notamment sur les Kaiju. Je trouve que son humour a tendance à se répéter, et que les personnages sont vite interchangeables (des Perry partout). Mais celui-ci me fait quand même de l’oeil…
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Cela ne devrait pas tarder. Je viens de le finir. Scoop : je l’ai bien aimé, celui-là, malgré un côté passe-partout.
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