Terra Humanis, Fabien CERUTTI

Le monde chauffe ! Les scientifiques nous le disent depuis longtemps, longtemps. Et nous commençons à nous rendre compte seulement maintenant, pour la plupart, de la réalité de ce qui nous attend. Et pourtant, rien ne change vraiment. Personne ne prend les décisions drastiques qui pourraient nous éviter des conséquences tragiques. Les auteurices de SF, depuis des années, ont beau imaginer le pire et produire des récits tous plus terrifiants les uns que les autres, rien ! Et si, pour convaincre les lecteurices, il fallait plutôt jouer la carte de l’optimisme. Même mesuré. C’est le pari de Fabien Cerutti avec son dernier roman, Terra humanis.

Un génie au service de la planète

Rébecca est une jeune surdouée. Ou H.P.I. Ou le terme à la mode que vous préférez. Mais, quelque soit le mot choisi, elle est brillante. Et ce, depuis son plus jeune âge. Sa mère, consciente de ce prodige, l’éduque en conséquence et la protège de l’institution, un peu trop normative. La jeune fille, rapidement, se sent dans l’obligation de mettre son talent au service de la planète. Avec d’autres jeunes gens, de toutes nationalités, elle échafaude un plan pour permettre à l’humanité de tenter de passer le cap, de changer l’inflexion de la courbe violente qui doit la conduire à l’enfer du réchauffement climatique accompagné de son cortège de catastrophes aussi atroces les unes que les autres. Comme ils connaissent l’état d’esprit de nombre de leurs concitoyens, ils imaginent des actions positives plutôt que punitives, des incitations plus que des leçons de morale. Ils créent un groupe, Terra Humanis, qui est censé peser sur les décisions politiques dans le monde entier. Pas de façon violente ou manichéenne. Non, en se donnant pour principe de mettre au premier plan les réalités environnementales et de ne pas dévier du cap établi : ralentir par tous les moyens le réchauffement afin de donner le temps à la science de découvrir des solutions pour nous sauver.

De l’optimisme, pas de l’angélisme

Cela peut paraître un peu simpliste et surtout très optimiste. Avec une bande de petits jeunes « qui n’en veulent », la planète se verrait sauvée. Il faut tout d’abord préciser que le roman n’est pas composé d’une suite de bonnes nouvelles, d’une liste d’étapes à cocher pour nous en sortir. Les personnages que fait vivre Fabien Cerutti affrontent des difficultés parfois extrêmes et certains sont meurtris dans leur chair ou dans leur esprit. L’histoire est réaliste en ce sens qu’elle tient compte de la multiplicité des opinions présentes dans nos différents pays. Et de la ténacité de certains groupes à imposer leur vision du monde, leur volonté, au reste de leurs concitoyens. Que la réalité et le bon sens soit de leur côté ou pas. Meurtres, attentats. L’auteur n’élude aucune possibilité de résistance d’une idéologie face à une autre.

De toute manière, même en famille et avec leurs proches, les êtres humains se montraient redoutablement doués pour l’embrouille, la colère ou l’incompréhension, alors, avec des étrangers de cultures différentes…

De plus, Rébecca et ses amis, tout comme l’auteur, savent bien qu’il n’existe pas de solution miracle. Pour éviter le pire, il faut multiplier les décisions, les plans, les tentatives de capturer le CO2, de produire de l’électricité moins dangereusement. Donc ils imaginent des barrières d’arbres dans le monde entier. Pas pour arrêter le réchauffement. Juste pour le ralentir. Car le seul espoir d’après Fabien Cerutti vient de la science, de toutes ces découvreuses, de tous ces découvreurs qui, par leur travail et leurs intuitions, peuvent, si nous avons de la chance, nous offrir une possibilité de continuer à exister sur cette planète sans être des survivants. Sans être les habitants de ces si nombreux romans post-apocalyptiques, qui existaient déjà depuis de nombreuses années, mais qui fleurissent à présent de façon exponentielle (Le monde de Julia, La piste des oiseaux, Tous les arbres au-dessous, Unity ou Resilient Thinking pour ne citer que les derniers) envahissant même les rayons de littérature générale.

Et c’est ce que j’ai apprécié dans ce roman. L’auteur ne se montre pas naïf : pas de truc miracle qui va nous sauver. Une série de mesures, difficiles à mettre en place, à imposer aux autres, surtout à ceux qui ont des intérêts dans la poursuite de la course infernale dans laquelle nous sommes engagés. Avec recours aux influenceurs, aux personnalités, dont le roi de Grande-Bretagne (décidément, les reines et les rois ont la côte dans ce type de récits : Neal Stephenson, dans Choc Terminal 1 et 2, utilise, comme personnage principale, la reine des Pays-Bas). Par contre, j’ai du mal à partager l’optimisme de ce récit qui, malgré de nombreux drames, nous offre tout de même une échappatoire, une porte de sortie réaliste. Il faudrait quand même pas mal d’heureux hasards pour parvenir à un tel résultat. Il faudrait déjà une Rébecca Halphen pour donner une impulsion et un cap sur le long terme. Et également des découvertes scientifiques qui tombent à pic. Cela peut arriver, comme cela peut ne pas aboutir. Mais ne boudons pas notre plaisir : le roman est positif, restons-le…

Encore un petit mot

Je voulais également vous parler rapidement de la forme de ce récit. Fabien Cerutti n’a pas opté pour une structure linéaire. Loin de là. Son roman est composé de nombreux chapitres, souvent courts, qui nous promènent à travers le temps et les lieux. On avance et recule sans cesse sur l’échelle chronologique. À tel point qu’une ou deux fois, j’ai dû vérifier les dates pour être certain de bien suivre. Malgré cela, je pense que cette structure est plus un avantage qu’un inconvénient. Cela dynamise terriblement l’histoire. Et de manière plus efficace et moins artificielle, je trouve, que les sempiternels emplois du conditionnel dont certains abusent comme : « Le lendemain il regretterait ce geste. » ou « Les évènements lui donneraient hélas raison. »

Si on devait opter pour une seule complication, un seul danger, comme pointe du suppositoire à inoculer au monde, il ne pouvait s’agir que du réchauffement climatique.

Quelle bonne surprise que ce Terra Humanis ! Dans la lignée des récits positifs (Quand la tigresse descendit de la montagne ou Une prière pour les cimes timides par exemple), ce roman fait du bien. D’autant que lui n’est pas, comme ceux que j’ai cités en exemple, déconnecté de la vie réelle. Le texte de Fabien Cerutti entre en parfaite résonance avec notre actualité, avec nos préoccupations quotidiennes. Il se rapproche de ces émissions où l’on propose des solutions. Il est comme un laboratoire, une série d’idées, imbriquées les unes dans les autres, offerts à notre sagacité. Et tout cela habillé de bien belle façon, car j’ai suivi avec intérêt, voire passion, la vie de Rébecca Halphen et de son conjoint à travers le temps et les épreuves. Je suis sorti ragaillardi de cette lecture que je ne peux que conseiller à toute personne un tant soit peu consciente du monde qui nous entoure et qui va mal.

Présentation de l’éditeur : Un récit antidote pour affronter les sombres perspectives du XXIesiècle ! Aux côtés de la jeune et brillante Rébecca Halphen, de Luc Lavigne, son mari, et de la dizaine d’étudiants internationaux qui composent leur groupe d’amis, Fabien Cerutti nous propose de vivre jusqu’en 2109 le destin haletant, profondément humain et tumultueux, de Terra Humanis, un mouvement politique planétaire dont l’objectif est de faire dévier notre XXIe siècle de la trajectoire dystopique qu’il semble destiné à suivre. Particulièrement en matière climatique. Le mot de l’éditeur : Avec ce récit utopique endiablé, Fabien Cerutti réalise un véritable tour de force. Mêlant son art de la narration à ses exigences d’historien, il met en mouvement une bonne part des innovations actuellement en développement, les jauge à l’épreuve des risques et des enjeux à l’échelle de la planète, et réussit à nous entraîner dans sa vision d’un XXIe siècle positif ! À rebours des drames post-apocalyptiques ou des utopies intimistes, Terra Humanis compose le rêve global d’un futur vraisemblable, susceptible de redonner espoir et d’insuffler l’envie de changer le monde.

Mnémos – 7 juin 2023 (roman inédit – 287 pages – 20 euros)

Merci aux éditions Mnémos (Estelle Hamelin) pour ce SP.

D’autres lectures : CélineDanaë (Au Pays des Cave Trolls)CulturevsnewsBoudicca (Le Bibliocosme)


7 réflexions sur “Terra Humanis, Fabien CERUTTI

  1. « Ils imaginent des actions positives plutôt que punitives, des incitations plus que des leçons de morale » Rien qu’avec ça tu m’as donné envie de me plonger dans ce roman dont le sujet et son traitement m’interessent !

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