La machine réalisée par T.R. fonctionne à plein régime. Son canon gigantesque propulse quotidiennement des quantités impressionnantes de soufre dans l’atmosphère, modifiant ainsi déjà le climat. Le reste du monde a été mis devant le fait accompli. Et chacun voit les changements et leurs conséquences avec un œil différent. Certains apprécient, d’autres appréhendent. Mais tous ne vont pas se contenter d’être spectateurs. La riposte est enclenchée.

Une fin explosive
Autant la première moitié de ce roman contenait des longueurs (normal, il faut bien installer l’œuvre et le contexte – et Neal Stephenson est connu pour aimer les détails), autant cette deuxième partie voit son rythme s’accélérer. Car les évènements vont devoir se succéder rapidement : les changements induits par le canon et son chargement de soufre bouleversent les équilibres et créent des peurs. Rationnelles ou non, elles sont sources de réactions, parfois violentes. Petit rappel : selon l’endroit d’où sont effectués les tirs, les conséquences sont différentes pour les pays, les régions. Certains seront favorisés, d’autres ,au contraire, desservis par les nouvelles conditions météorologiques. Par exemple, l’Inde est sur la sellette. Elle est tributaire de la mousson, source de récoltes vitales à sa population. Or, certaines projections insistent sur le danger que représente cette arme climatique pour ce phénomène particulier. Ce pays très peuplé peut-il laisser ses millions d’habitants risquer la famine parce qu’un Texan plus ou moins excentrique a décidé de prendre les choses en main ? Assurément non. Il est possible que nous comprenions enfin à quoi va bien pouvoir servir ce personnage que nous suivons depuis le début du roman, par courts chapitres interposés dans la narration centrée sur le canon et son démarrage. Quel est le rôle que Neal Stephenson a prévu pour Laks, Canadien arrivé depuis peu en Inde, en recherche d’une place, d’un but ? Cela se dessine progressivement dans cette deuxième partie.
Une planète qui tremble
Mais les êtres humains ne sont pas les seuls à réagir à l’utilisation de cette nouvelle arme. Il semble que les éléments, eux aussi, se déchaînent. Aux Pays-Bas, plusieurs catastrophes endeuillent la nation. L’océan paraît vouloir reprendre ce que ces habitants lui ont ravi. Car ce pays, situé en grande partie sous le niveau de la mer, sait son intégrité menacée par les bouleversements, naturels ou pas, qui se profilent. Cependant, la rapidité des évènements surprend tout le monde. Y compris la reine, Saskia. Au point qu’elle se voit contrainte à la démission. Quand la politique la plus basse et la plus vile utilise la vie des autres pour parvenir à ses fins. Écœurant mais très réaliste, hélas (comme dans beaucoup d’œuvres de SF qui savent pointer ce qui fait mal dans nos sociétés et dans notre monde) ! On finit même par se demander si tous ces « accidents » en sont vraiment et si certains ne cherchent pas à instrumentaliser cette colère pour obtenir le pouvoir. Ou le chaos. N’accuse-t-on pas certains pays, actuellement, de mettre de l’huile sur le feu, grâce à leurs médias, dans des pays qu’ils considèrent comme hostiles, afin de les fragiliser ? Ici, un petit coup de pouce à la nature, et des têtes peuvent tomber au profit d’autres, plus favorables à certaines causes. Politique-fiction ? Peut-être…
Choc terminal, un gros pavé dans la mare. Avec force et efficacité, Neal Stephenson nous offre une vision apocalyptique de ce que pourrait être notre avenir si nous ne nous en emparons pas au niveau des nations. Si nous laissons certains individus, usant de leur influence et de leur argent (coucou, Elon Musk !) prendre des décisions pour nous. Si nous baissons les bras en imaginant que tout est plié d’avance. Si nous abandonnons par facilité, préférant regarder ailleurs en attendant que le déluge nous rattrape. Même s’il n’est pas exempt de défauts (descriptions trop détaillées, personnages parfois trop binaires, …), ce roman peut permettre des prises de conscience en plus de faire passer de très bons moments de lecture. J’espère que beaucoup le liront et en parleront, car c’est ainsi que l’on peut faire avancer les choses.
Présentation de l’éditeur : « Férocement intelligent, toujours surprenant, d’une grande audace spéculative et d’un humour noir ravageur. » Publishers Weekly Parce que la montée des eaux menace l’existence même des Pays-Bas, leur reine Frederika Mathilde Louisa Saskia comprend mieux que quiconque la notion d’urgence climatique. Invitée à une rencontre secrète au Texas par T.R. Schmidt, l’excentrique propriétaire d’une chaîne de fast-food, Saskia découvre non sans inquiétude les plans du milliardaire. En bon Texan, T.R. veut mettre fin, de façon décisive, aux hausses de températures qui accablent le sud des États-Unis. Et si son remède, inspiré par l’explosion du volcan Pinatubo, était pire que le mal ? Du delta du Mississipi à l’Inde, des Pays-Bas à la Papouasie, Neal Stephenson nous plonge dans une incroyable fresque du futur proche. Choc terminal est sans doute le roman le plus audacieux jamais écrit sur l’ingénierie climatique.
Merci aux éditions Albin Michel Imaginaire (Gilles Dumay) pour ce SP.
D’autres lectures : CélineDanaë (Au pays des Cave Trolls) – Les chroniques de FeyGirl –
Toujours surprenant Neal Stephenson 😉
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