Ces guerres qui nous attendent 2030-2060 – Saison 2, RED TEAM

Que nous réserve l’avenir ? Nous sommes nombreux à nous poser la question. Et les auteurices de SFFF également, à nous proposer des pistes, des embryons de réponses. L’armée française ne s’y est pas trompée en mettant en place la Red Team, association « de scénaristes et auteurs de science-fiction de profils variés ». Leur mission ? « Élabore[r] des scénarii de conflictualités et de menaces visant la France et ses intérêts à l’horizon 2030-2060. » Un premier opus était né de ces réflexions. Le deuxième vient de sortir.

Des bases de travail pour l’avenir

Pour ceux qui, comme moi, avaient suivi tout cela de loin (y compris la polémique reprochant à des auteurices de se ranger du côté de l’armée), voici quelques rappels : « La Red Team travaille au sein d’un écosystème constitué de la White Team (comité consultatif), la Purple Team (expertise scientifique et militaire) et la Black Team (soutien logistique et coordination du projet). » [Cette citation et les précédentes proviennent du site du Ministère des armées] Les artistes doivent proposer des scénarii qui serviront de base de réflexion à des militaires et leur permettront de se préparer à un avenir incertain (le Covid et l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine sont de bons exemples de la difficulté à prévoir de quoi demain sera fait). Après, je ne sais pas bien comment tout cela fonctionne dans le détail, ni ce qu’en tire vraiment l’armée (données de réflexion, pistes pour des développements, publicité dans la population, …).

Deux scénarios très différents

Dans ce deuxième volume donc, deux propositions (contre quatre pour le premier) : « Une guerre écosystémique » et « Basse énergie : après la nuit carbonique ». La première s’intéresse à une possible (probable) évolution de la science qui permettrait à tout un chacun, avec des imprimantes individuelles, de modifier les gènes d’êtres vivants de notre entourage : rendre une plante plus résistante à la chaleur, à telle maladie. Mais aussi choisir la couleur des yeux de son animal de compagnie. Sympa et même utile. Cependant, comme avec toute invention, si une utilisation positive existe, son pendant négatif n’est pas loin. Pourquoi, en effet, ne pas produire une plante urticante pour entourer son champ et gêner ainsi les intrusions. Ou, à une autre échelle, créer un virus qui visera plus particulièrement une partie de la population, donnant libre cours à tous les fantasmes racistes ou néfastes qui sévissent dans la tête de certains. Ou encore faciliter une révolution en utilisant le chaos qui résulterait d’une épidémie fulgurante et meurtrière. Et, même si cela (déjà lu et vu dans nombre d’œuvres de SF) est déjà affolant, on peut aller plus loin. Car lâcher dans la nature de telles créations n’est pas anodin. En effet, les individus vont se croiser avec d’autres individus et créer de nouvelles caractéristiques. Qui pourront devenir incontrôlables. Et modifier durablement l’environnement. C’est dans ce monde particulièrement hostile, sur une Terre qui aurait suivi une évolution différente de la nôtre dès le XIIe siècle (avec un Gengis Khan triomphant), que la Red Team plonge les soldats pour cette première mission. Je leur souhaite bien du courage.

Essayons d’imaginer ce que pourrait donner, au plan industriel et économique, une énergie diffuse, intermittente. Pas facile !

Deuxième scénario, un monde où l’énergie ne peut plus être fossile. En tout cas pas uniquement. Suite à ce que nous connaissons actuellement et à quelques catastrophes climatiques, prise de conscience d’une partie de la planète et restrictions drastiques. Tout le monde doit faire attention à son bilan énergétique. Même l’armée, qui doit chiffrer l’impact de chacune de ses opérations et ne dispose plus des gros engins coûteux en dérivés de pétrole. Place aux déplacements légers. Dans cette opération, l’armée est opposée à celle d’un pays qui ne respecte pas les mêmes règles et utilise toujours le thermique. D’où un déséquilibre et la nécessité de s’adapter et de trouver des solutions innovantes pour avoir une chance de l’emporter.

Un ouvrage hybride

Ces deux scénarii proposent des pistes que j’ai trouvées très intéressantes. Car, même si elles ne sont pas novatrices, puisqu’on lit ces mêmes idées dans beaucoup d’ouvrages de SF, elles sont ici traitées avec réalisme et sans grande volonté de distraire. D’ailleurs, à de rares exceptions près, pas de récit dans ce livre. Mais des éléments de réflexion, des pistes. Et un résumé synthétique, jour après jour, de comment se dérouleraient les missions, avec leurs attentes et leurs réalisations effectives, suite aux accidents ou aux manœuvres imprévues des ennemis. Attention, je ne dis pas que l’ensemble est indigeste. Loin de là : cet ouvrage se lit très bien et la brièveté des articles qui le composent facilitent sa découverte. Mais je précise bien qu’il ne s’agit pas d’un roman : Ces guerres qui nous attendent tient plus du scénario de JdR, avec la description et l’explication du contexte, puis la trame de l’aventure, que du récit à proprement parler. Et, comme ce genre de texte, il est source de réflexions multiples et passionnantes.

J’étais passé à côté du premier ouvrage de cette série. Mais je ne regrette absolument pas ma lecture de Ces guerres qui nous attendent : elle m’a permis de pousser plus loin certaines réflexions sur notre présent et nos avenirs possibles. Elle m’a aussi davantage angoissé sur ces possibles, pas rassurants, c’est le moins que l’on puisse dire. D’autant que je viens de commencer le tome 1 de Choc Terminal de Neal Stephenson, qui se déroule dans un futur proche sur une Terre pas mal transformée par le réchauffement climatique. Difficile de dire qu’on ne nous aura pas prévenus. Et encore plus difficile de regarder la direction que nous prenons encore maintenant malgré tous les signaux d’alerte. Je n’aimerais vraiment pas que les scénarii entrevus dans cet ouvrage ou dans d’autres accèdent à la réalité. Continuons à lire, à réfléchir et à tenter d’agir de notre côté. C’est en tout cas tout ce que je peux faire.

Présentation de l’éditeur : Quelles sont les guerres possibles et imaginables dans les trente prochaines années ? L’explosion technologique, la multiplication des virus et bactéries, les manipulations génétiques ne vont-elles pas tenter les États d’utiliser des armes biologiques pour déstabiliser les écosystèmes ? La Nature peut-elle devenir notre ennemi le plus fou et incontrôlable ? À l’heure de la guerre de l’énergie, des mégafeux qui consument la planète, allons-nous basculer dans la pénurie énergétique qui contraindra les militaires à revoir leurs armements, leurs stratégies et tactiques afin de contribuer à la décarbonisation de notre monde ? Mais alors comment concilier l’action commando par essence ultra-rapide et la basse consommation d’énergie surtout dans un contexte de vives tensions internationales ? La Red Team, cette équipe haute en couleur qui réunit écrivains de science-fiction et dessinateurs travaillant à partir des analyses prospectives du ministère français des Armées et de nos meilleurs scientifiques, nous livre deux nouveaux scénarios d’anticipation intenses et sidérants qui nous obligent à penser notre environnement de demain. Red Team : Virginie Tournay, Laurent Genefort, Romain Lucazeau, Capitaine Numericus, François Schuiten, Saran Diakité Kaba. Préface d’Alain Fuchs et Cédric Denis-Rémis, Université Paris Sciences et Lettres (PSL).

Éditions des Équateurs – 25 janvier 2023 (essai– 204 pages – Illustration : François Schuiten – 22 euros)

Merci aux éditions des Équateurs (à Amande Coquelle) pour ce SP.

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12 réflexions sur “Ces guerres qui nous attendent 2030-2060 – Saison 2, RED TEAM

  1. Voilà une entreprise qui a fait jaser sur les réseaux… finalement, entre les hurlements des uns et des autres, je n’avais pas encore lu de retour sur ce projet. Je n’avais même pas su que ça avait découlé sur un bouquin ! Et donc encore moins un second.
    Intéressant je trouve, par contre j’aurais envie de me réfugier sous ma couette après je crois, pas sûre d’en sortir optimiste et pleine de confiance dans l’avenir 😦

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    1. Comme tu dis : les noms d’oiseaux ont volé !
      Je n’ai pas lu le premier, mais les retours n’étaient pas très positifs. Celui-ci est intéressant, comme objet de réflexion. Mais, comme tu l’as bien compris, pas très souriant. Car les situations imaginées prennent pied dans notre présent et sont particulièrement anxiogènes. Donc à manier avec précaution.

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