Ces guerres qui nous attendent 2030-2060 – Saison 3, RED TEAM

Dernier volume de cette série de scénarios imaginés par la Red Team pour permettre à l’armée française d’anticiper Ces Guerres qui nous attendent. Si le volume 2 nous entraînait dans les dangers possibles des manipulations génétiques et dans une tentative de conflit basse énergie, cette fois-ci, nous sommes plongés dans deux thèmes tout à fait différents. Le premier imagine des implants permettant une assimilation instantanée de connaissance. Le second s’intéresse à l’espace comme nouvel eldorado de ressources. Deux scénarios très réalistes. Hélas !

Des scénarios

Pour ceux qui n’ont encore jamais lu des ouvrages de cette série, la forme risque de paraître surprenante. En effet, les auteurs ne nous proposent pas des récits classiques, mais bien des scénarios. Avec, certes, une courte partie romancée, mais tout cela est plutôt présenté de façon synthétique, avec les éléments nécessaires à la bonne compréhension du contexte. Pas de personnages principaux, pas d’histoires individuelles. Juste des mouvements de foules, des mouvements de pays ou de groupements humains. Et des tendances générales par périodes plus ou moins longues, avec quelques dates clefs : une soulèvement populaire, une bataille qui déclenche des hostilités. Cela n’empêche pas au tout d’être captivant. Il faut juste se préparer à une lecture atypique.

Sur un plan cognitif, l’implant permet une inscription (ou engramme) de connaissances nouvelles. Une « augmentation » réversible du cerveau.

La connaissance immédiate

Dans « Face à l’Hydre », l’eshu va bouleverser la face du monde. Un implant permet d’assimiler immédiatement des connaissances. Vous l’utilisez, vous chargez les bases de données et aussitôt, vous êtes capable de conduire un camion, de manier un engin spécialisé, une arme (n’oubliez pas que ces scénarios s’inscrivent dans une optique de conflit). Il suffit donc d’une personne qui possède les bonnes connaissances et tous ceux qui sont liés à elle peuvent les acquérir à la vitesse de l’éclair. Y compris les plus jeunes. En cas de guérilla, c’est l’arme ultime. Surtout si elle permet de communiquer d’un endroit à un autre sans crainte des brouillages. Cette histoire d’implant m’a aussitôt rappelé la trilogie de George Alec Effinger avec Marid Audran comme personnage principal (Gravité à la manque, Privé de désert et Le Talion du Cheikh – on reconnaîtra dans ces titres le sens de l’humour du traducteur Jean Bonnefoy que tout le monde n’appréciait pas) : là aussi, un implant (placé dans une emplacement situé derrière l’oreille d’après mes souvenirs) apportait les données nécessaires pour parler une langue totalement inconnue quelques secondes plus tôt. Le rêve de tout élève (ou adulte) qui planche sur un devoir en cours. Dans ce livre, évidemment, les conséquences sont beaucoup plus importantes, voire dramatiques, selon le point de vue où l’on se place.

La conquête spatiale bascule d’une logique de puissance symbolique à une logique de puissance économique.

For All Mankind

Avec le deuxième scénario, « La ruée vers l’espace », j’ai vraiment eu l’impression de me retrouver (en grande partie), dans la quatrième saison de la série For All Mankind qui imagine ce qui aurait pu advenir si le premier homme à poser le pied sur la Lune avait été soviétique et non américain. Dans cette dernière (pas finale, car d’autres semblent en préparation, si les décideurs qui tiennent les cordons de la bourse en décident ainsi) saison, on assiste à une tentative de remorquage d’un corps céleste afin d’un récupérer les minerais, métaux et autres éléments utiles à l’industrie terrestre. Mais les conflits entre nations ne simplifient pas la tâche, voire la rendent dangereuse. La Red Team part sur un postulat semblable tellement réaliste : l’espace est un champ libre où ceux qui en ont les moyens et ont les reins solides vont tenter de s’implanter pour, soit gagner des fortunes, soit apporter la supériorité tactique à leur camp (en l’occurrence sa nation). Et bien évidemment, tous les coups sont permis, tant qu’ils restent discrets ou, en tout cas, ne laissent pas de trace utilisable par l’adversaire pour le discréditer. Même si ces évènements auraient lieu à long terme, ils font froid dans le dos : leurs conséquences pourraient être désastreuses. Comment une idée qui fait rêver, l’espace, peut devenir un terrain de bataille et un déclencheur de catastrophe.

Ce qui multiplie les tensions en orbite haute et sur la Lune.

Même si la forme est un peu aride par moments, les idées brassées dans le volume 3 de Ces Guerres qui nous attendent sont d’une grande pertinence et d’une actualité manifeste. Espérons que cet exercice aura été imaginé en vain et que les armées du monde entier n’auront pas à s’y confronter. On peut malheureusement faire confiance à l’être humain pour imaginer des situations aussi périlleuses et mettre en danger le sort de la planète et de ses habitants.

Présentation de l’éditeur : Deux scénarios terriblement probables qui pulvérisent les frontières

• Face à l’Hydre. (2027-2045)

La militarisation de la société civile, c’est le sujet de ce palpitant scénario malheureusement réaliste. L’eshu, implant d’un nouveau genre mis au point en 2027, permet l’assimilation instantanée de nouvelles connaissances et capacités dans tous les domaines pour tout individu (en commençant par les enfants).

Ces connaissances réversibles n’altèrent en rien les volontés individuelles. Peu à peu, ces implants se diffusent et leur utilisation se généralise dans certaines régions du monde. Ils deviennent aussi des leviers de création ad hoc et immédiate d’une armée à partir de populations civiles par l’injection de savoirs militaires.

Cette armée a pour nom l’Hydre, empruntant à l’animal mythologique sa capacité à se renouveler à l’infini : chaque individu volontaire pouvant s’implanter à tout moment des connaissances adéquates selon le besoin et son environnement. Progressivement, les capacités de l’eshu s’étendent et ouvrent la voie à la possibilité d’une action collective : les individus dotés d’un eshu communiquent les uns avec les autres de manière décentralisée et instantanée, voire symbiotique. Ce qui assure à l’Hydre une domination stratégique dans les régions où elle s’est implantée.

• La ruée vers l’espace (2035-2075)

L’accès à l’espace s’est considérablement démocratisé à la suite d’innovations technologiques. Les ressources spatiales tant sur la Lune que dans les ceintures d’astéroïdes plus lointaines deviennent abordables et nourrissent les appétits industriels et économiques d’acteurs étatiques et privés. Des rapprochements s’opèrent, des alliances se créent pour assurer l’exploitation des minerais stratégiques, source principale d’énergie, au point que les grandes nations et leurs partenaires deviennent dépendant de l’économie spatiale.

La compétition entre deux méga-consortiums soutenus par les agences publiques se traduit par des pratiques de sabotage et de déni d’accès, avant d’escalader vers une confrontation spatiale ouverte. Dans cet univers spatial, dans ce nouveau Far West qui échappe à la loi des états, quel sera le seuil de déclenchement d’une guerre spatiale ?

Éditions des Équateurs / PSL (Paris Sciences et Lettres) – 7 février 2024 (essai– 152 pages – Illustration : François Schuiten – 21 euros)

Merci aux éditions des Équateurs (à Julia Sausse) pour ce SP.

D’autres lectures :


16 réflexions sur “Ces guerres qui nous attendent 2030-2060 – Saison 3, RED TEAM

  1. De ce que je comprend des scénarios présentant dans ta chronique, plusieurs chose m’interpellent:

    Les deux sujets ont été traité dans des fiction de SF, mais aussi dans des essais, qui pour ce que j’ai lu du premier « Ces guerres qui nous attendent », on de grandes chances d’petre bien meux traités. Pour le premier scénrio, je pense à certaines nouvelles de Greg Egan.

    Enfin, je constate que le livre ne contient que deux scénario, sur 150 pages, mais coute tout de même 21€.

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    1. Je ne peux que confirmer tes dires. Oui, les sujets ne sont pas particulièrement originaux. Ce qu’il l’est à la rigueur est le traitement qui n’est pas narratif. Est-ce un point positif ? À voir.
      Quant au prix, je dois te dire que ces temps-ci, je suis assez affolé. Le moindre bouquin un peu gros ou un peu travaillé arrive sans hésiter à 25 euros. Et on parle de taxer les livres d’occasion !

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      1. Pour les prix, le fait que depuis quelque temps on soit à 25€ était annoncé par certaines petites mains du milieu il y a une dizaine d’années. Augmentation des matières et cout de production. Surtout, je pense que l’explosion de l’offre, combinée au fait qu’une minorité soit rentable, n’aide pas.
        Le coup de la taxation de l’occaz, j’ose croire que c’est une annonce pour marquer, mais ce ne sera pas mis en place.

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  2. Bonjour

    Vous êtes plus précis que moi, avec vos références à d’autres auteurs (que je n’ai pas lus!) qui ont déjà écrit sur tel ou tel même genre d’univers…

    Pour ma part, j’ai anglé mon billet sur le rappel qu’au départ (avant que la guerre en Ukraine ne soit rallumée par un monsieur P), il s’agissait qu’un cénacle d’auteurs « civils » fasse preuve de créativité comme « poil à gratter » pour challenger des militaires professionnels par de la prospective « inattendue ». Mais est-ce la peine de continuer à se préoccuper des guerres d’après-demain si on n’a pas assez de canons ni d’obus pour celles d’aujourd’hui…?

    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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