L’Évangile selon Myriam, Ketty STEWART

Exit Matthieu, Marc, Luc et Jean. Voici la nouvelle apôtre, Myriam. Mais son recueil de textes ne semble pas faire l’unanimité dans sa communauté, puisqu’elle va être brûlée en tant qu’hérétique. Heureusement pour nous, certains disciples ont recueilli ce livre et nous le transmettent. Il constitue un évangile composé de multiples histoires, toutes plus ou moins édifiantes, tirées des siècles passés : extraits de la Bible, des contes de Charles Perrault, mais aussi des chansons de Michael Jackson. Eh oui, cette histoire ne se déroule pas au Moyen-Âge, mais dans notre avenir, un avenir sans doute post-apocalyptique, où une communauté religieuse vit repliée sur elle.

Au début de ma lecture de L’évangile selon Myriam, je suis resté dans l’expectative, me demandant où j’avais mis les pieds et si j’allais continuer. Mais la petite taille du roman et la multiplication des courts chapitres, ainsi que le style agréable de Ketty Stewart m’ont convaincu de poursuivre. Et je n’ai finalement pas regretté.

Un univers post-apocalyptique en mode discret

L’action se déroule dans le futur. Un futur qui restera vague jusqu’au bout. On sait juste qu’il est de tonalité post-apocalyptique. Que les villes ont eu tendance à se refermer sur elles-mêmes, laissant à l’extérieur les moins « méritants », les personnes incapables de payer le droit de rester là où le confort régnait. Puis qu’on a fiché tous les citoyens systématiquement. Que des communautés ont refusé d’adhérer à ce modèle de société et se sont réfugiées dans la campagne, de plus en plus isolées, de plus en plus pauvres technologiquement parlant.

Une secte religieuse très stricte

Et justement, le groupe dont fait partie Myriam, l’Église des Derniers Temps, officie loin du reste de la société, loin de Babylone et de sa technologie. Myriam est jugée sans intérêt pour sa communauté, car incapable de rien lui apporter. Heureusement pour elle, un prédicateur lui confie une tâche capitale : elle sera scribe. À charge pour elle de récupérer les quelques fragments qui leur sont restés des textes anciens et d’en faire une lecture cohérente et un ensemble uni. Elle a donc à sa disposition des textes qui viendraient d’Helen la Blanche, une ancienne prédicatrice, un recueil de citations de deux anciens auteurs (Milan Kundera et Stefan Zweig) et un chansonnier (avec les titres de Michael Jackson). Et de ces sources sans lien entre elles et appartenant à des univers totalement différents, elle va tirer un recueil divisé en six parties, destinées à nous permettre de comprendre mieux notre monde. Le chapitre sur le mensonge, par exemple, montre le pouvoir de cet élément, car on peut être victime de mensonge, mais on peut aussi se complaire soi-même dans le mensonge, s’aveugler volontairement pour vivre plus facilement ou pour d’autres raisons tout aussi fortes. Pour aller dans ce sens, Myriam convoque le Petit Chaperon Rouge, appelé ici Caroline ; Jacob (de la Bible) qui se laisse tromper par son beau-père, l’empereur Huángdì qui paie une fortune une tenue qui n’existe pas ; les sept petits chevreaux qui vont se laisser tromper par le loup (enfin, six sur sept) ; Tamar, une veuve qui ne se résigne pas à être traitée comme un objet ; le vilain petit canard. On le voit, l’autrice pioche dans tous les domaines des textes classiques, puisque l’on va de la Bible aux contes mille fois ressassés dans notre enfance. Et elle reprend ces histoires selon un angle différent. En insistant, non pas seulement sur l’histoire, mais sur un point précis : ici, comment peut-on se laisser convaincre par un mensonge parfois grossier ? Quelle raison peut amener à se laisser piéger ? Jusqu’à la mort pour Caroline (le petit chaperon rouge).

Enfin, petite touche d’humour supplémentaire, mais pas que, le personnage d’Alphonse. Qui est-ce ? Eh bien, Alphonse, c’est le principe de réalité. Celui qui est toujours là à sermonner : « Je te l’avais bien dit ! ». Celui qui nous ramène toujours à l’ordinaire bassement trivial. Ce qui empêche de s’envoler, ce qui plombe les poches. Alphonse, quoi !

La lecture de L’évangile selon Myriam a été pour moi une source de plaisir, tout d’abord, quand j’ai redécouvert des contes sous un regard nouveau et avec une nouvelle optique. Mais aussi un occasion de m’interroger sur la place des textes reconnus dans notre imaginaire et notre vision du monde. Et, donc, sur mon rapport à ces récits inscrits dans notre imaginaire.

Présentation de l’éditeur : À seulement seize ans, Myriam est chargée d’écrire le livre de la Vérité qui manque à sa communauté de survivants de l’apocalypse. Elle n’a plus accès qu’à quelques ouvrages en lambeaux et à des récits oraux conservés tant bien que mal. Qu’à cela ne tienne, elle remplit sa mission. Puisant à toutes les sources, de la chute de Lucifer aux chaussons de Cendrillon, en passant par Le Lac des cygnes et les pérégrinations d’Œdipe, elle trace des démarcations nouvelles entre le mensonge et la vérité. L’Évangile selon Myriam propose une relecture drôle et incisive de nos évidences présentes et nous invite à en interroger la construction

Mnémos – octobre 2021 (roman inédit– 208 pages – 18 euros)

D’autres lectures : Charybde 27, Ombre Bones,


12 réflexions sur “L’Évangile selon Myriam, Ketty STEWART

Laisser un commentaire