La Maison des veilleurs [Le Cycle de Syffe. 4], Patrick K. DEWDNEY

J’avais commencé ma critique du précédent tome de l’œuvre de Patrick K. Dewdney par ces mots : « Il était attendu, ce troisième tome du cycle de Syffe ! ». Je peux sans aucune hésitation les utiliser à nouveau pour ce nouveau volume, le quatrième : La Maison des veilleurs. Car oui, nous étions nombreux à espérer le retour de Syffe parmi nous. Et le voilà revenu, entouré de son groupe, sa coterie, constituée d’amis plus ou moins fidèles. Et toujours au centre de toutes les intrigues.

Un homme

Quand on compare Syffe, adulte, au jeune garçon de L’Enfant de poussière et même de La Peste et la vigne, on voit sans l’ombre d’un doute son évolution, sa maturité. Bien évidemment, il est toujours traversé de questionnements profonds. On ne change pas si facilement un caractère bien ancré. Mais Syffe, comme je le faisais remarquer à propos du précédent roman, Les Chiens et la Charrue, n’est plus le garçon ballotté au grès des évènements, incapable de la moindre influence que le courant qui l’entraîne. À présent, il commence à apercevoir la direction que son existence peut prendre et il y travaille. Il a compris comment fonctionnaient les différentes formes de pouvoir, les différentes forces en puissance et il compte bien ne pas se laisser manipuler.

Les Vars m’avaient laissé avec quelques certitudes, et l’une de celles-ci était un rapport au monde aiguisé, la conviction que les temps appartiennent toujours à ceux qui manient le fer.

Au fait, précaution habituelle : je vais nécessairement faire référence à des éléments survenus dans les précédents volumes. Si vous n’avez lu aucun d’eux, dirigez-vous vers la conclusion, car je vais nécessairement m’appuyer sur les trois aux romans et possiblement gâcher votre plaisir de lecture.

Syffe a suivi Aidan Corjoug qui dirige la primauté de Bourre. Et il s’est mis à son service. Mais, comme je le disais plus haut, il n’est plus un simple pion utilisé par les puissants. Il veut influencer l’ordre des choses. Ou, tout au moins, agir par plaisir et uniquement selon ses principes. Cependant, le cours des évènements vient une fois de plus imposer son propre tempo. Et Syffe est obligé de s’adapter, de suivre le mouvement.

Des conflits et des hommes

Car la primauté de Bourre, avec ses ambitions, gêne d’autres groupes, tout aussi puissantes et présents depuis plus longtemps. Entre autres la Ligue, vaste coalition financière. Or, avec l’argent, on peut beaucoup. Y compris engager une armée de pirates sanguinaires et dirigés aussi bien par le profit que par la folie du meurtre. Il faut rappeler qu’Aidan menait alors une guerre contre un voisin envahissant et que donc toutes ses forces, ou presque, étaient engagées dans cette bataille. Le moment idéal pour une attaque surprise sur le cœur de Bourre. Syffe et sa coterie ne vont pouvoir que s’impliquer entièrement, violemment, dans ce conflit. Par pour briller auprès de son ami (vraiment, son ami ? Syffe doute en permanence des réels sentiments d’Aidan : amitié vraie ou manipulation permanente ?), mais pour sauver sa région, les gens qu’il côtoie. Et pour sauver sa propre peau. Ainsi que celle de sa bande.

L’ennui est le propre du guerrier. L’attente est son fardeau, bien davantage que son armure ou que l’horreur brève de la boucherie.

Ce n’est pas la seule bataille que narre Patrick K. Dewdney dans ce quatrième roman, mais c’est la plus impressionnante. L’assaut d’une ile prison, par la suite, sera plus modeste, plus subtile. Du moins, dans les plans initiaux. Et une fois de plus, je ne peux que dire toute l’admiration que j’ai pour l’auteur et sa capacité à raconter des moments poignants avec force, mais sans sensiblerie.

Une langue travaillée et si belle

La langue de Patrick K. Dewdney est riche et commencer un de ses ouvrages demande une ou deux minutes pour en reprendre l’habitude, pour en apprivoiser la densité. Il aime le vocabulaire juste, riche. Certaines images, certaines expressions surprennent. D’autres prennent aux tripes. D’autres nous plongent directement dans le lieu décrit, avec ses sons, ses odeurs, sa matière : « L’astre cognait sur les pierres taillées avec l’acharnement d’un bûcheron à l’assaut d’un grand-pin » ou « Les limbes étaient épais ce matin-là, un étau humide, les anneaux d’un reptile évanescent qui étouffait le canton de la capitale. » La nature est forte et s’impose aux hommes plus que l’inverse. Et cela se ressent très efficacement dans l’écriture.

Tout comme les sentiments s’imposent aux membres de la coterie et aux autres. Dans le petit groupe réuni par Syffe, les individualités sont forte,s les envies et les besoins différents. S’ils sont capables de s’unir dans une but précis, pas toujours facile de rester soudés. Surtout quand parmi les combattants on trouve des soldats fidèles avant tout à Aidan et à sa politique. Mais aussi Driche et Plume, les Épones qui visent l’obtention d’un territoire pour leur peuple, puisque le leur a été envahi. Et le géant de la montagne, Braxxe, fils de roi et en principe otage, dont les pensées restent enfermées dans son crâne silencieux. Sans parler d’Artès, dont les goûts risquent de l’en traîner loin de la coterie. Une bande d’une immense richesse, mais aux tempéraments parfois explosifs. Pourtant, dans les moments forts, pas question de se trahir. Et pour exprimer tout cela aussi, l’écriture vive et intense de Patrick K. Dewdney fait merveille.

« Tu sais, Syffe », m’avait-elle dit, « les gens passent leur temps à s’inventer toutes sortes d’histoires. Et la plupart du temps nous n’en savons rien. »

Bien sûr, on peut comprendre que le cisèlement de cette œuvre nécessite du temps. Mais il clair que si le même intervalle entre chaque tome se poursuit, il va encore falloir du temps et de la patience avant de connaître la fin des aventures de Syffe : une petite dizaine d’années. Pour ceux qui ne veulent pas commencer une saga sans être certain que le dernier opus sera publié, Le Cycle de Syffe est donc à mettre en veilleuse pendant encore un bon moment. Mais quel dommage de se priver d’une telle richesse, de tels moments, d’un tel partage ! Car la lecture du Cycle de Syffe est un de ces moments intenses qui vous envahissent au plus profond de votre être et ne vous lâchent qu’une fois la dernière page tournée (surtout ces dernières pages). Et encore. Je peux vraiment remercier ma libraire d’il y a quelques années, elle qui m’a conseillé avec une étincelle au fond de l’œil de débuter cette saga alors que j’étais pas particulièrement chaud pour tenter l’aventure. Heureusement qu’elle a été là. Ainsi, j’ai découvert Syffe et je le vois grandir, plein d’hésitations et de passions, de joies et de peurs. Une vie si belle à découvrir.

Le Cycle de Syffe est composé de : L’Enfant de poussière, La Peste et la vigne, Les Chiens et la Charrue, La Maison des veilleurs et encore, en principe, trois autres romans (patience, patience !)

Présentation de l’éditeur : Chef-d’œuvre multiprimé de fantasy française GRAND PRIX DE L’IMAGINAIRE 2019 PRIX LIBR’A NOUS IMAGINAIRE 2019 PRIX PÉPITE DU ROMAN 2018 SLPJ – FRANCE TÉLÉVISIONS 2018 PRIX JULIA VERLANGER 2018 PRIX IMAGINAIRE DE LA 25° HEURE DU LIVRE DU MANS 2018 « Patrick K. Dewdney s’annonce comme un écrivain important de l’imaginaire français, à l’égal d’un Jaworski ou d’un Platteau. » Librairie Terre des Livres « Une épopée d’une profonde humanité qui le place d’emblée au rang des grands auteurs du genre. » Librairie Sauramps « Une œuvre résolument originale, déroutante et enchanteresse. » Librairie Charybde « Patrick K. Dewdney impressionne. » Le Monde « Avec le cycle de Syffe, une ballade écrite de sang et de fumée, Patrick K. Dewdney s’inscrit dans la lignée des grands auteurs de fantasy. » L’Humanité « Patrick Dewdney nous offre ici un aperçu des méandres politiques – et de la profondeur – de son univers, tout en nous livrant un ouvrage riche en péripéties. » Elbakin

Au Diable Vauvert – 2 mai 2024 (roman inédit– Illustrations : Fanny Etienne-Artur – 656 pages – Édition brochée : 24 €) / Numérique : 12,99 euros)

Merci aux éditions Au Diable Vauvert (Lucas Galian) pour ce SP.

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17 réflexions sur “La Maison des veilleurs [Le Cycle de Syffe. 4], Patrick K. DEWDNEY

  1. J’ai lu le tome 3 il n’y a pas si longtemps. Mais c’était longtemps après le 2. Je ne vais pas laisser passer autant de temps et m’attaquer à ce 4eme tome sous peu. Et voir les aventures que ce Syffe qui a bien grandi, nous réserve.

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  2. J’avais beaucoup aimé le tome 1 à sa sortie pour le côté très « terroir » de la plume, mais depuis j’achète et mets de côté car j’ai peur de ne pas réussir à raccrocher les wagons entre chaque tome, à raison a priori mais quel regret de ne pouvoir enchaîner …

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    1. Il n’est pas trop difficile de raccrocher les wagons tant le style est immersif. Mais il est vrai que j’avais un peu oublié certains évènements, certains personnages. De l’avantage d’écrire des critiques : je les ai relues et des passages me sont revenus en mémoire.

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