Olangar. Bans et barricades 1, Clément BOUHÉLIER

Olangar, ville gigantesque au ciel encombré de la pollution secrétée par les usines. Olangar, ville dont la géographie témoignage des injustices : les pauvres en bas, dans les immondices ; les riches en haut, là où l’atmosphère est plus dégagée. Olangar, une ville où les rapports de force sont la norme, avec ses règlements de compte, ses luttes de pouvoir. Et au milieu de tout cela, une jeune femme venue d’une région éloignée, qui cherche à comprendre et venger la mort de son frère. Comme un coup de pied dans la fourmilière…

Un cycle à lire absolument

Alors que les éditions Critic viennent de publier le quatrième et dernier tome de cette saga consacrée à la ville d’Olangar, je me suis dit qu’il était temps de découvrir cette cité dont j’avais entendu dire tant de bien (enfin, des romans, parce que la ville elle-même n’est pas à proprement parler attirante). Et je ne regrette absolument pas le voyage. Quelle maitrise de la part de l’auteur, Clément Bouhélier ! L’histoire est prenante du début à la fin, avec un suspens haletant, une richesse de l’intrigue enthousiasmante et des personnages d’une grande justesse.

Les personnages, justement

Le récit commence par un prologue poignant et plein de force : un elfe, que l’on devine au bout du rouleau, miné par son passé, revit, lors d’une bagarre qu’il a lui-même initié, la bataille qui a déclenché sa chute : Oqananga. La lutte des hommes, des elfes et des nains contre la horde des orcs. Un combat sanglant, sans merci, sans pitié. Qui a laissé des traces atroces dans l’esprit de ceux qui ont survécu. Dont Torgend Aersellson, détruit par ce qu’il y a vécu. Mais il finit par trouver son salut ou, du moins, un répit, grâce à la jeune femme arrivée de sa province, Evyna d’Enguerrand. Son père connaissait Torgend et elle réclame son aide pour découvrir la vérité sur la mort de son frère. Ce dernier, soldat sur le mur qui protège encore la civilisation de la violence des orcs, aurait été tué lors d’une incursion ennemie. Mais certains indices ne collent pas. Evyna mène donc son enquête.

Une société compartimentée et inégalitaire

Mais elle ne connaît pas Olangar et ses us et coutumes. Or, comme je le disais dans l’introduction, tout y est rangé à sa place. Et malheur à celle ou celui qui risque de bousculer cet ordre. Et, bien entendu, Evyna va, sans réellement le vouloir, déclencher une suite d’évènements aux conséquences gigantesques et dévastatrices. Et nous voilà témoins des luttes secrètes pour le pouvoir. Il faut dire, d’abord, que les élections sont proches : la Révolution est passée par là et le peuple choisit à présent son dirigeant, après avoir fait chuter son roi. Le traditionnel affrontement entre les deux partis habituellement au pouvoir est mis à mal par l’irruption d’un troisième candidat, plein de fougue et de démagogie. On sent bien qu’un changement est en cours. Les forces occultes sont mises à contribution. Dont le terrible et sans pitié Mandrac, chef d’une pègre toute puissante et tentaculaire. Et là, tous les coups, violents et cruels de préférence, sont permis.

La riposte sera violente

Face à lui et à ses commanditaires (dont on ignore le nom encore à la fin de ce tome), Evyna et Torgend ne font pas le poids. Heureusement qu’ils obtiennent l’aide de plusieurs atouts, dont Baldek, un des chefs des nains. Les nains, justement, parlons-en. Ils forment un groupe d’ouvriers, dans les chantiers navals, dans les mines, exploités par les patrons. Germinal (ou la Londres du XIXe siècle) version fantasy. C’est là une bonne idée de l’auteur : mêler des préoccupations réalistes et modernes (à un siècle ou deux près) à des histoires situées dans un monde imaginaire. Cet ancrage dans le réel renforce la présence du récit, nous le rend plus proche. Il est terriblement facile de ressentir les difficultés de ces opprimés, de s’indigner du sort qui leur est réservé. Ou de prendre le parti des oppresseurs (mais l’auteur ne va clairement pas dans cette direction). C’est la lutte finale… on se calme…

Un très bon équilibre

Présentés séparément, tous ces éléments peuvent paraître intéressants, mais sans plus. Ce qui en fait un roman passionnant et difficile à lâcher avant la fin, c’est le talent de l’auteur qui sait doser ses ingrédients et rendre le mélange addictif. Des personnages tout de suite attirants, avec leurs faiblesses mais aussi leurs forces. Et leur part de mystère, qui se dévoilera progressivement. Le mystère, justement, dont on aimerait connaître le cœur (ce ne sera que très partiellement le cas à la fin de ce tome : il faut attendre le deuxième volume, que je suis en train de dévorer à son tour). Et l’ambiance générale de la ville et du reste du pays, très juste, très « vraie » : on croirait une vraie société, avec ses tensions et ses habitudes, ses routines et ses travers.

C’est toujours une joie de découvrir une série qui vous tient en haleine. Et ce d’autant plus qu’elle est entièrement publiée (donc pas de mauvaise surprise de non traduction de la fin, pour les livres venus d’ailleurs, ou d’interruption pour cause de « non-rencontre avec son public »). Je sais que je connaitrai la fin (et si la saga continue à me plaire autant, cela ne devrait pas tarder), ce qui est un soulagement. Car Olangar séduit par les troubles qui la rongent, les êtres qui se battent pour sa conquête, les aventures qu’elle accueille. Je suis sous le charme.

Présentation de l’éditeur : Dix-sept ans ont passé depuis la bataille d’Oqananga, où la coalition entre les elfes et les hommes a repoussé les orcs par-delà les frontières. À l’approche des élections, Olangar est une capitale sous tension, véritable poudrière où seule manque l’étincelle. Tandis que les trois candidats noircissent les journaux de leurs promesses, les ouvriers s’épuisent dans les usines, les accidents se multiplient sur les chantiers navals et la Confrérie des nains menace d’engager un mouvement de grève d’une ampleur sans précédent. Leur meneur, Baldek Istömin, ira jusqu’au bout. Au même moment, Evyna d’Enguerrand, fille d’un ancien seigneur de guerre, débarque en ville pour chercher la vérité sur la mort de son frère, assassiné au Grand Mur dans d’étranges circonstances. Pour l’aider, elle fait sortir de prison Torgend Aersellson, un elfe banni par les siens et vieil ami de son père. Ensemble, et avec l’aide de Baldek, ils se lancent dans une enquête acharnée qui les mènera des bas-fonds de la cité aux confins du royaume, là où l’ombre des orcs menace encore.

Critic – 23 août 2018 (roman inédit– 446 pages – 22 euros) / poche : Le Livre de poche – 16 juillet 2020 (544 pages – 8,70 euros) / numérique : 7,99 euros

D’autres lectures : Apophis – Boudicca (Bibliocosme) – Célinedanaé (Au pays des Cave Trolls) – Ombre Bones – le Chien critique – Fred K (Un K à part) – L’Ours inculte