Le mystère du tramway hanté, Phenderson Djèli CLARK

Nous voilà de retour dans cette Égypte émancipée de sa tutelle britannique grâce à l’intervention d’al-Jahiz et à l’irruption d’êtres magiques. Cette fois, la brillante enquêtrice Fatma el-Sha’arawi laisse la place au plus discret agent Hamed Nasr et au jeune Onsi Youssef. Ils vont devoir libérer un tramway de l’emprise néfaste d’une force très en colère. Mais seuls, ils n’y parviendront pas : les voilà obligés de chercher de l’aide auprès de femmes en lutte pour leur émancipation.

Une Égypte moderne

On retrouve, dans cette novella, l’univers mis en place dans L’Étrange affaire du djinn du Caire, qui faisait la deuxième partie du précédent livre de Phenderson Djèlí Clark paru chez L’Atalante, Les Tambours du dieu noir. En ce début du XXe siècle, suite à l’invention d’al-Jahiz, « le Soudanais errant – fou ou génie », qui a créé, fin XIXe, une brèche vers l’outre-royaume des djinns, l’Égypte a pu vaincre les Anglais qui la tenaient dans leurs griffes, ainsi que les Français qui les auraient bien remplacés. Ce pays mêle depuis tradition et modernité, avec toutes les frictions imaginables en pareille situation. Les croyances ancestrales entrent en concurrence, la plupart du temps de façon bénigne, parfois en querelles. Mais le progrès est en route. Avec, entre autres, le symbolique tramway aérien, possible grâce aux djinns et à leur magie. La modernité grâce au surnaturel, la science soutenue par son ennemi naturel. Beau paradoxe, assez classique dans le steampunk.

Révolution… en douceur

Le talent de Phenderson Djèlí Clark, c’est de mettre en place une société très réaliste. Malgré les djinns et autres créatures plus ou moins sympathiques. Les tensions qui animent la ville du Caire à l’approche des élections sont palpables dès le début. Le combat mené par les femmes pour un début d’indépendance avec l’acquisition du droit de vote est éminemment sympathique et touche forcément en cette période de lutte pour des droits sociaux (enfin, elle dure depuis pas mal d’années, cette lutte, et ce n’est pas fini). Les relations entre les différents groupes, humains ou non, sont mises en évidence avec naturel et, en tant que lecteur, on est immergé rapidement, sans difficulté, dans cette effervescence.

Une enquête pas si simple

Le fait de nous faire découvrir tout ce petit monde à travers une enquête n’est pas pour rien dans l’efficacité de cette histoire. Car, ne l’oublions pas, l’essentiel de cette novella est le combat des deux enquêteurs du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles contre le squatteur du tramway 015. Et cela ne se fera pas sans mal. Car le premier élément nécessaire est la découverte de la nature de la bestiole qui hante l’engin. Et cela n’est pas si évident que cela, même pour des professionnels. Phenderson Djèlí Clark en profite pour nous faire découvrir tout un tas d’esprits. Et leurs chasseurs. Un vrai voyage, car certains êtres viennent spécifiquement d’un pays précis. D’où un folklore spécifique et des moyens de coercition spécifiques.

Un ton léger

Et, pour lier tout cela, une bonne dose d’humour (pas facile de marcher avec des talons quand on est un homme et qu’on en a pas l’habitude) en partie due aux nouveaux personnages. Le contraste entre les deux enquêteurs est souvent propice au sourire. Tout comme les situations que l’auteur leur fait subir. Ils sont souvent à deux doigts du ridicule, mais s’en sortent toujours avec un certain brio, malgré tout.

L’Étrange affaire du djinn du Caire confirme donc la très bonne impression produite par Les Tambours du dieu noir. Phenderson Djèlí Clark se montre un auteur plein d’inventions et très à l’aise dans la création d’un univers riche, coloré et cohérent. Heureusement que l’Atalante a pensé à nous et devrait publier en octobre prochain Cantique rituel (Ring Shout), l’occasion de prendre une piqûre de rappel. C’est de circonstances.

Présentation de l’éditeur : Égypte, 1912. Après L’Étrange Affaire du djinn du Caire, nous revoici en compagnie des agents du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, aux prises cette fois avec un spectre mystérieux qui a élu domicile dans un tramway du service public. Tandis que dans les rues du Caire les suffragettes revendiquent haut et fort le droit de vote, l’agent Hamed Nasr et son nouveau partenaire l’agent Onsi Youssef devront délaisser les méthodes conventionnelles et faire appel à des consultantes inattendues (ainsi qu’à une automate hors du commun) pour comprendre la nature du dangereux squatteur de la voiture 015 et pour le conjurer.

L’Atalante, collection « La dentelle du cygne » – 10 juin 2021 (novella inédite traduite de l’anglais par Mathilde Montier– 102 pages – 10,90 euros)

Merci aux éditions de L’Atalante pour ce SP.

D’autres lectures : Apophis, Lutin, Frank Brénugat, Gillossen, Le Chroniqueur, Célindanaé, Aelinel, L’ours inculte, Lianne, Fourbis et têtologie, Jean-Yves sur Chut maman lit, Boudicca (Le Bibliocosme), Les Blablas de Tachan, PatiVore,


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