Les Gardiens du Dessein, Florestan DE MOOR

Larry Herdson se prépare à devenir le nouveau chancelier, le dirigeant de l’empire construit par les humains à travers les étoiles. Mais un voix, qui lui était promise, tombe dans l’escarcelle de son concurrent, David Paldor. Et aussitôt, tout s’enchaîne. Car le nouveau chancelier a un plan et un but. Serait-ce en lien avec des vestiges extraterrestres découverts sur une planète perdue ?

C’est quoi, ce livre ?

Les Gardiens du Dessein, c’est un gros pavé de space opéra, plus de 800 pages en petits caractères (cela reste lisible, mais c’est dense). C’est une histoire d’ambitions et de trahisons, de conflits et d’accord entre humains et humains, mais aussi entre humains et extraterrestres. C’est un récit prenant, sans réel temps mort, malgré quelques ruptures de rythme. C’est une galerie de personnages auxquels on peut croire, même si certains virent par moments à la caricature (et ça agace).

Reprenons ces points un par un.

Un space opéra d’ampleur

D’ampleur, soit, mais par pour les combats dans l’espace. Ce n’est définitivement pas un roman militaire. On assiste quand même à quelques batailles spatiales, mais à un contre un, sans armées composées de centaines de vaisseaux prêts à exploser pour notre plus grand plaisir. Ici, la dimension planétaire tient au nombre de mondes visités par les protagonistes. Mondes variés dans leurs dimensions et leurs climats, et donc dans leurs populations. Orymida est la capitale de l’empire et rayonne de richesses et de modernité. En opposition totale avec d’autres planètes destinées uniquement à la recherche des ressources nécessaires pour la vie de tous ces humains disséminés à travers l’Empire. Rioni, par exemple, recouverte par les glaces et un froid si mordant qu’il est impossible d’y survivre sans l’équipement adéquat. Ou Hilwer, vaste étendue d’eau : un paradis pour les pêcheurs. Pas de quota de pêche ici ! Mais l’abondance ne rend pas les habitants bien heureux, tant ils sont exploités par les entreprises qui leur achètent leurs produits.

Quand des volontés de fer s’affrontent

Et on en arrive à la dimension sociale de ce roman. Car la société dépeinte par Florestan De Moor est un classique empire, dévoué au plaisir des puissants tandis que la majorité des citoyens survit avec difficulté, sans grand espoir d’améliorer son sort. Pendant que, dans la capitale, on rivalise de luxe, sur les planètes ressources, on crève à petit feu, mangeant trop peu, diminué par les conditions locales souvent difficiles (froid ou chaleur excessifs, tempêtes ou autres catastrophes climatiques banalisées). Et si la colère gronde, qui a les moyens de se révolter, dans un empire de cette taille, quand il est quasi impossible de quitter sa planète ? Il existe bien, parait-il, une résistance. Mais de qui est-elle composée ? Et pour quel but ? En attendant, David Paldor, le nouveau chancelier, celui qui a comploté pour arracher l’élection à Larry, triomphe et, une fois au pouvoir, profite de ses moyens illimités pour atteindre son but. Lequel ? Ce serait dommage de vous priver de la découverte.

Le rythme, c’est bien quand il y en a

Et dans l’ensemble, ce roman tourne bien. Les scènes s’enchainent avec un certain naturel et les moments de réflexion ne ralentissent pas trop l’action. Les pages se tournent vite et bien. Florestan De Moor sait mettre en place ses pions rapidement, sans trop s’appesantir sur la description de ses mondes. Cela vient progressivement, de façon assez douce, sans lasser. Mais sans tomber dans le tout action, qui se révèle souvent vain et long. Surtout sur plus de 800 pages. Par contre, j’ai trouvé qu’à certains enchainements, le naturel en prenait un coup dans l’aile. J’ai eu du mal, parfois, à passer d’un chapitre à un autre, d’une partie à une autre, à cause du changement de rythme. Mais je n’oublie pas que Les Gardiens du Dessein est le premier roman publié de Florestan De Moor et que, pour un coup d’essai, le résultat est plutôt convaincant. Il aurait peut-être fallu couper quelques moments, pour réduire un peu la voilure. J’ai toujours du mal avec les pavés.

Des méchants vraiment méchants

Comme j’ai du mal avec des personnages caricaturaux. Et là, certains m’ont quand même pas mal agacés. L’auteur cherche bien à expliquer la haine éprouvée par David Paldor, avec des retours en arrière efficaces, ce chancelier n’en reste pas moins monolithique et tellement mené par sa seule obsession qu’il en devient trop prévisible et donc fatigant à la longue. Tout comme Cassandre, toujours agressive envers ceux qu’elle rencontre. J’ai l’impression que c’est la répétition de ces traits de caractère au fur et à mesure de l’histoire qui m’a gêné. On les montre une ou deux fois et après, on passe. Mais je ne voudrais pas laisser croire que je n’ai pas apprécié les protagonistes. Larry, par exemple, le dindon de la farce au début du roman, malgré ses côtés un peu candides, a eu toute ma sympathie. Et d’autres ont joué leur rôle avec efficacité.

Les Gardiens du Dessein a donc été une lecture agréable. Elle m’aurait davantage plu si l’action avait été resserrée et si certains personnages avaient été travaillés avec davantage de finesse. Mais, malgré ces quelques points, je suis allé jusqu’au dénouement avec curiosité et envie, et j’ai bien apprécié le final explosif, attendu, mais bienvenu. Une bonne lecture d’été.

Présentation de l’éditeur : « L’accomplissement du Dessein. Fallait-il s’en détourner ou au contraire s’y adonner ? Larry tendit la main vers le monolithe. » Il avait suffi d’une voix pour que tout bascule. Une voix pour que les espoirs de Larry Herdson d’accéder à la Chancellerie se brisent. Et quand son concurrent David Paldor tombe le masque, Larry n’a d’autre choix que de s’enfuir. Mais David Paldor n’est pas le seul à avoir plusieurs visages : dans les tréfonds d’une planète gelée, une civilisation pas si disparue, gardienne d’un obscur dessein, pense tirer les ficelles. Dans cette pièce de théâtre galactique où les traqueurs sont aussi les traqués, Larry deviendra-t-il à son tour le pion dissident ?

Critic – 17 juin 2021 (roman inédit– 815 pages – 24 euros)

Merci aux éditions Critic pour ce SP.

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