Lazare attend, James MORROW

Lazare, vous savez, celui que Jésus aurait ressuscité ? Eh bien, en fait, ce serait une fake news, colportée par Jésus lui-même. De la propagande, déjà ! Et quoi qu’en dise le principal intéressé, la légende est toujours plus belle, et donc relayée, que la vérité. En revanche, ce même Lazare raconte, et personne ne veut le croire, qu’il a voyagé dans le temps. Et ce, jusqu’au Manhattan des années 60. Incroyable, non ? Et pourtant…

Un voyageur temporel

Lazare rencontre donc, un jour, un être mécanique au visage de crocodile à bord d’un bateau aux pouvoirs magiques. Sobek (le crocodile) aurait été créé par des êtres venus du futur. Et il propose à Lazare (autrement appelé Larry Ben-Zarus) de voyager avec lui, en compagnie de ses trois Maries : Marie la Nazaréenne, Marie-Madeleine et Marie Salomé, autres personnages importants de l’histoire de Jésus. Le but de Larry, sauver les opprimés religieux de la persécution. Et, pourquoi pas, réconcilier chrétiens et juifs, même si la partie n’est pas facile : ces derniers n’auraient-ils pas tout fait pour que Jésus finisse sur sa croix ? Sobek permet donc à Larry de voyager géographiquement et temporellement. Mais attention, le nombre de déplacements est limité. À la fin, le navire merveilleux s’autodétruira ! Celui permettra-t-il à Larry de mener à bien son plan ? Et, surtout, de retrouver l’amour de sa vie ?

Voyage au long cours

C’est donc parti pour un voyage fantasque, empli d’aventures débridées et de surprises. Par contre, à part le New York des années 1960 (qui apparaît dans le prologue, un entracte et l’épilogue), nous restons dans la zone de l’Antiquité fréquentée par les Occidents, et plus particulièrement les Romains. Car ils ont été, tout d’abord, des ennemis farouches de la secte de Jésus. Il en a été la première victime. Mais ensuite, ils ont été parmi les plus zélés défenseurs et diffuseurs de cette doctrine. Certains empereurs utilisant cette croyance devenue religion pour étendre leur pouvoir. C’est ainsi que nous allons séjourner un temps important dans l’entourage de l’empereur Constantin, contemporain du célèbre concile de Nicée où Arius et ses disciples ont été désavoués, ses propositions n’ayant pas été retenues.

Érudit, mais accessible

Arius ? Concile de Nicée ? Constantin ? C’est quoi, tout ça ? Manifestement, James Morrow, lui, le sait. Et il connaît son sujet sur le bout des doigts. Pour résumer, les chrétiens ont mis un temps sacrément long à se mettre d’accord sur leur panthéon : qui de Jésus, de marie, du saint Esprit ? Quel est leur rôle ? Quels sont leurs liens ? Qui est d’essence divine ? Bref, beaucoup de mises au point qui ont exacerbé les passions et ont fait coulé pas mal d’encre. Et beaucoup de sang. Le concile de Nicée, par exemple, voit deux conceptions s’opposer. Et à la fin, il n’en reste qu’une. Pas celle proposée par Arius.

Compliqué tout cela ? Un peu. Mais heureusement, ce point précis, et toutes ces controverses qui ont émaillé le développement des religions monothéistes pendant des siècles et des siècles, James Morrow les maitrise. Et il aime le débat, l’échange d’arguments, la réfutation. Ingrédients qui font le sel de Lazare attend (comme on avait déjà pu le voir dans la Trilogie de Jéhovah). On y assiste à des échanges d’arguments d’une haute volée, qui font passer certains cours universitaires pour d’affreux pensums. Car si les notions abordées sont souvent érudites, elles le sont de façon claire et simple. Et, surtout, avec l’humour détaché des Monty Python. Celui du Monty Python’s Flying Circus ou de La vie de Brian. On commence un dialogue avec des pensées dignes d’un colloque pour finir sur des commentaires à propos de la cuisine locale. Arius et sa doctrine y sont discutés avec légèreté et finesse. Le comique de répétition y est pour beaucoup. Comme quand Lazare, pour la dixième fois, explique que Jésus ne l’a pas ramené à la vie, qu’il était juste très malade.

Tout cela a été un régal pour moi : s’instruire en se distrayant ! Certes, certaines références me sont passées au dessus. Mais cela n’a en rien ralenti na lecture ni diminué mon plaisir. D’ailleurs, peut-être paradoxalement, j’ai eu plus de mal avec les références au New-York des années 60 et à sa culture littéraire et cinématographique. Lazare attend est une nouvelle incursion hautement recommandable à tous ceux qui ont un esprit curieux et que la controverse n’effraie, à tous ceux qui considèrent la religion comme un terrain de réflexion et non comme une liste de dogmes sources d’interdictions plus que de libertés, à tous ceux qui aiment voyager avec un auteur talentueux qui respecte son lecteur sans se prendre au sérieux.

Présentation de l’éditeur : Depuis toujours, Lazare maintient mordicus qu’il n’a jamais été ressuscité. Quand d’étranges visiteurs l’invitent à bord d’un fabuleux vaisseau mécanique dirigé par un automate à tête de crocodile, il embarque pour une épopée dans l’espace et le temps qui le conduira du New York des années 1960, aux Saintes-Maries-de-la-Mer, à explorer les grands lieux du christianisme, revisitant avec humour l’histoire de notre civilisation.

Au Diable Vauvert – 27 mai 2021 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par Sara Doke– 468 pages – 21 euros)

Merci aux éditions Au Diable Vauvert pour ce SP.

D’autres lectures : Gromovar (qui ne peut rien dire car il l’a chroniqué pour le prochain Bifrost), Mondes de poche,


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