La Terre a pris un sacré coup de vieux. Maintenant, elle tourne à la vitesse de l’escargot. Un jour y dure plusieurs mois. De même pour la nuit. Car notre bonne vieille planète met trois cents ans pour faire un tour sur elle-même : c’est le Long Jour. Les humains l’habitant ont dû s’adapter. Ils doivent migrer, faire avancer leurs habitations pour suivre le cycle de l’astre et survivre ainsi au rude climat.

Une Terre au ralenti
Une ville qui se déplace régulièrement, ça ne vous rappelle rien ? « J’avais atteint l’âge de mille kilomètres » non plus ? Si : le début du célèbre Monde inverti de Christopher Priest, où la cité du narrateur est obligée de se déplacer pour échapper à la déformation du monde. Dans La Marche du Levant, la ville d’Odessa doit avancer pour éviter les rigueurs du climat : le désert s’étend avec le soleil, tout comme les glaces reculent. Il faut rester dans la zone tempérée afin de vivre correctement. Mais il faut, pour cela, régulièrement faire tirer les demeures par de puissants animaux. Et toutes les autres peuplades sont victimes de ce changement de rythme par rapport à ce que nous connaissons de nos jours. Certaines campent dans les régions froides. D’autres vivent sur des navires qui, liés ensemble par moments, peuvent ressembler à des cités flottantes. D’autres, enfin, comme des barbares sauvages, se déplacent sous forme de hordes semant la terreur et la désolation.
Une prophètesse, une destinée
Face à cette vie difficile, les hommes ont le secours de la religion. Les Versets annoncent l’arrivée d’un prophète qui les mènera à l’arche capable de les libérer. Et c’est cette croyance, fortement implantée dans l’esprit de plusieurs individus, qui va amener à changer un équilibre, certes précaire, mais installé. Une jeune fille naît dans une tribu lointaine. Désignée, bien malgré lui par un prêtre mourant, son destin est pris en main par des croyants qui la préparent à son destin : emmener son peuple vers la liberté, vers un autre monde au climat plus favorable, à la rotation moins lente, vers cette arche aux pouvoirs magiques censée les guider. Une arche magique qui permet à un peuple de se déplacer : Stargate, es-tu là ?
Des influences en veux-tu en voilà
La Marche du Levant est truffée de références, d’emprunts, de copies, selon que vous aurez apprécié le roman ou pas. De mon côté, comme j’ai aimé me laisser bercer par l’histoire, j’ai plutôt passé une partie de ma lecture à tenter de reconnaître les œuvres où l’imagination de Léafar Izen a trouvé sa source. Et j’ai eu du travail. Et j’en ai sans doute manqué des tonnes, car ma culture littéraire et cinématographique n’est pas suffisamment étendue. Mais cela ne m’a pas empêché d’entrer rapidement dans le récit. Tout comme le côté parfois caricatural de certains personnages ne m’a pas autrement bloqué. Même si l’Archiprêtre, par exemple, est encore un de ces hommes d’église typiques des récits de SF : avide de pouvoir, égoïste, adepte de la bonne chère et de la chair fraîche, prêt à sacrifier n’importe qui pour conserver, voire augmenter son influence (on en retrouve un exemple dans Rive droite de Pierre Bordage).
Une fin de pure SF
Difficile de ne pas parler des quelques dernières pages qui font définitivement basculer ce roman dans le giron de la SF. Car, autant le récit dans son ensemble possède nombre de caractéristiques de la fantasy (pas seulement, mais quand même beaucoup), autant l’épilogue (un peu prévisible, il faut tout de même le dire), qui explique finalement tout le système de ce monde, ancre sans hésitation La Marche du Levant dans la SF pure et dure. Mais en dire plus serait franchement malvenu : évitons de spoiler / divulgâcher !
La Marche du Levant n’est pas exempt de défauts, loin de là. Malgré tout, Léafar Izen est parvenu à m’entraîner sur sa planète moribonde, derrière des peuples décidés à ne pas se laisser vaincre par une nature devenue franchement hostile. Il a su me faire aimer ses personnages, l’assassine Célérya, la prophétesse Akeyra, et à rendre leur destin important pour moi. Il m’a fait rêver et voyager, par étapes, à travers l’espace et le temps. Et de cela, je le remercie.
Présentation de l’éditeur : Une Terre au ralenti. Une héroïne déterminée. Une épopée inoubliable. Trois cents ans. C’est le temps que met la Terre pour tourner sur elle-même. Dans le ciel du Long Jour, le soleil se traîne et accable continents et océans, plongés tantôt dans une nuit de glace, tantôt dans un jour de feu. Contraints à un nomadisme lent, les peuples du Levant épousent l’aurore, les hordes du Couchant s’accrochent au crépuscule. Récemment promue au rang de maître, l’assassine émérite Célérya accepte un enrôlement douteux dans le désert de l’est. Là, sans le vouloir, elle contribue à l’accomplissement d’une prophétie en laquelle elle n’a jamais cru. Un domino vient de tomber ; les autres suivront-ils ?
Albin Michel Imaginaire – 2 septembre 2020 (roman inédit– 645 pages – 24,90 euros)
Merci aux éditions Albin Michel Imaginaire pour ce SP.
D’autres lectures : Apophis – FeydRautha – Nigrafolia – Le Chroniqueur – Xapur – Celine Danaë – Culturevsnews – L’Ours inculte – Gromovar – Anouchka – Lorkhan – Le chien critique – FeyGirl – Sometimes a Book –
7 réflexions sur “La Marche du Levant, Léafar IZEN”