Aux ordres [Le Programme Harlow .1], Louise CAREY

Tanta est prête. Physiquement et intellectuellement affûtée, entraînée à toutes les tactiques d’infiltration, de combat, d’interrogatoire. Elle est une future agente parfaite. Et la mission de ce soir doit lui donne l’occasion de montrer sa valeur. Mais tout ne se passe pas comme prévu et l’issue est décevante.

Un bon petit soldat

Les premières pages sont l’occasion de découvrir le personnage central de cette trilogie : Tanta. Une jeune femme dont on va vite comprendre qu’elle est inféodée d’une bien étrange façon à ses supérieurs. Il suffit d’observer ses réactions excessives face, soit aux compliments, soit aux récriminations de Jen, la cheffe de son service. Un reproche, et elle se sent plus basse que terre. Des félicitations, et elle frétille comme si c’était le plus beau jour de sa vie. Mais les réactions des autres humains l’entourant sont moins vives. Et surtout, plus normales par rapport à nos critères actuels. Il faut dire que Tanta a bénéficié du projet Harlow. En quoi consiste-t-il, ce fameux projet qui donne son nom à cette trilogie ? On en découvre progressivement les tenants et aboutissants. Mais il m’a fait diablement penser, par certains côtés, au projet Treadstone suivi par le Jason Bourne de Robert Ludlum.

Sept contre une. Elle a déjà connu pire, mais seulement lors de simulations.

Quant à Tanta, elle va se trouver obligée d’ouvrir les yeux sur certaines pratiques et certaines anomalies au cours d’une mission particulièrement dangereuse. Car elle doit récupérer le coup de son opération initiale ratée. En effet, les tensions entre InTech, sa compagnie, et Thoughtfront, la concurrente, ne cessent d’augmenter. La seconde est née d’une scission d’avec la première. On parle même de vol, car elle aurait embarqué des inventions lors de la séparation. La première est plutôt spécialisée dans la technologie de pointe, la seconde dans l’armement hyper-sophistiqué. Et le torchon brûle. Tanta doit tenter d’y voir un peu plus clair afin d’éteindre l’incendie.

Du cyberpunk en grande partie

Dans Aux ordres, on retrouve l’environnement cher à William Gibson, le pape du cyberpunk (dans Comte Zéro, par exemple) : des entreprises toutes puissantes (ce ne sont plus des zaibatsus, mais le principe est le même), technophiles et, surtout, très fermées. Ce sont elles qui dirigent. La preuve, les villes leur appartiennent et sont séparées des autres par des murs tant physiques qu’électroniques. Il faut franchir des portes incapacitantes capables de réduire votre mobilité à zéro si vous ne possédez pas le bon profil. Si votre scaphe (l’objet qui permet d’accéder au réseau et qui contient votre vie, comme le smartphone, de plus en plus, en quelque sorte) est réglé selon les critères d’InTech plutôt que de Thoughtfront, la rivale, vous n’accédez pas à l’autre partie de Londres. Tout se passe à coups de piratages savants, de données dérobées, trafiquées. Il vaut mieux ne pas être allergique à ce type de datas. Par contre, pour ceux qui ont calé devant la prose parfois froide ou hermétique de William Gibson, soyez rassurés : Louise Carey est bien plus accessible. On a bien quelques termes techniques. Mais ils sont rapidement digérés et intégrés au récit sans que cela ne nuise au rythme.

Enfant, il faisait souvent un cauchemar où on le bloquait et où il restait coincé sur le papier tue-mouches invisible d’une Porte, sans issue.

L’autrice n’hésite pas, malgré ce côté plus doux, à dresser les bases d’un futur glacial et sans pitié pour ses habitants. Quand on est en bas de la société, on ne compte pas beaucoup. C’est le moins que l’on puisse dire. Les usines fonctionnent grâce à des ouvriers qui abandonnent leur libre-arbitre pendant leurs heures de travail, se transformant en robots décérébrés, commandés par les ordinateurs. Idem quand Tanta parle au conseil dirigeant InTech : ses membres ne se réunissent pas devant elle. Non, ils se connectent tous à un médiateur, humain qui ne sert qu’à porter la parole des représentants, sans même savoir ce qu’il dit. Les corps des êtres humains sont utilisés comme des matériaux, comme du bétail. Déshumanisation totale. Et le projet Harlow, dont a été victime Tanta, en est un autre exemple.

Et maintenant, je dois retourner travailler.

J’ai découvert Louise Carey grâce à l’œuvre collective et famille publiée récemment par L’Atalante et que j’ai adorée, La Cité de soie et d’acier. Même si Aux ordres, premier tome de la trilogie Le Programme Harlow, ne possède pas la densité et le charme de récit d’aventure féministe, il offre une très belle occasion d’évasion et propose des thèmes qui me parlent. Du cyberpunk assez léger, mâtiné d’espionnage, et très humain. Car Tanta est un personnage qui marque et dont on a envie de suivre le parcours. Donc, vivement la suite !

Ce roman est le premier tome de la trilogie Le Programme Harlow, qui comprendra également Outcast et Downfall.

Présentation de l’éditeur :

Attention : en franchissant cette porte, vous quittez la zone d’InTech. Un règlement communautaire différent peut s’appliquer, et la signature d’un accord de licence utilisateur distinct peut être exigée. Souhaitez-vous poursuivre ?

Tanta s’est entraînée toute sa vie pour cette première mission : diriger son équipe hors des frontières de sa corpo, InTech, afin de récupérer un disque dur volé. Rien de compliqué, sur le papier. L’attaque-surprise qui tue deux de ses collaborateurs lui prouve rapidement le contraire.

Déterminée à regagner l’estime de ses supérieurs, Tanta se lance à corps perdu dans la traque de son assaillant et des données qu’elle n’a pu récupérer lors de son échec. Son zèle la poussera à creuser là où il ne faut pas…

L’Atalante, collection « La dentelle du cygne » – 11 janvier 2024 (roman inédit traduit de l’anglais par Florence Bury – Inscape (2021) – 444 pages – Illustration : Simón Prades – Grand format : 22,50 € / Numérique : 9,99 €)

Merci aux éditions de L’Atalante (Emma Chabot) pour ce SP.

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9 réflexions sur “Aux ordres [Le Programme Harlow .1], Louise CAREY

    1. Je te trouve très gentil ou alors très bon public : j’en ai lu 70 pages et je ne trouve pas cela très flambant. C’est très, très léger, pour un public jeune ou un lectorat qui ne lit pas souvent du cyberpunk.

      Beaucoup de répétitions : 3 fois tourelle d’artillerie en 3 pages ! et deux explications similaires sur les dormants en moins de 10 pages (juste au cas où le lecteur se serait endormi entre les 2 ?!).

      Je vais quand même continuer (pour le moment !) parce que je suis curieux on verra si ca s’améliore…

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      1. Je suis d’accord avec toi, c’est léger. Mais c’est exactement ce qu’il me fallait à ce moment là. J’étais entre deux lectures exigeantes et longues. Donc, ce côté un peu jeunesse m’a bien plu. Mais je conçois bien ta frustration.
        Quant aux répétitions, c’est amusant, mais j’ai l’impression que ces temps-ci, j’y suis assez peu sensible. Va falloir que je me fasse régler le détecteur !

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