Effet de réseau [Journal d’un AssaSynth .5], Martha WELLS

Après quatre novellas, SecUnit revient dans un roman. Encore plus d’aventures ? De séries aux titres évocateurs dévorées par l’héroïne ? De combats et d’action? Oui, absolument. Mais le passage au long format ne conduit-il pas à l’overdose ? Le rythme, trouvé durant les précédents épisodes, en souffre-t-il ? Tentons de répondre à ces questions… et à d’autres.

De la continuité

Pour commencer, il faut affirmer que le ton ne change absolument pas. L’héroïne est toujours emplie de doutes existentiels ou autres. Elle regarde toujours des heures de série pour se vider la tête. Elle se parle toujours à elle-même avec la même distance, la même ironie. Elle utilise toujours les mêmes phrases à rallonge, agrémentées de parenthèses, voire de crochets. On est vraiment plongé dans l’esprit du personnage et on voit le monde à travers ses yeux, son prisme. Et c’est bien comme ça.

Le monde décrit vit toujours sur les mêmes bases : les vilains corporatistes qui tentent d’acheter tout dans le monde, jusqu’à l’air respiré et qui sont capables de monnayer un sauvetage. La société de Préservation, qui ressemble à ce qu’on pourrait espérer, plus égalitaire, plus juste, qui ignore l’esclavage et la monétisation à outrance d’une grande partie de l’univers. Les planètes où sont enterrés des vestiges aliens, dangereux car incompris et souvent contagieux, capables de créer des visions d’horreur. Bref, le lecteurice n’est pas surpris en entamant cette lecture. Et c’est cela que l’on cherche en lisant une série, donc, c’est bien.

Une intrigue plus alambiquée

Ce qui change le plus, à mon avis, dans ce format, c’est la complexité de l’intrigue. Et là, Martha Wells s’en est donnée à cœur joie. Non qu’elle ait bâtie une histoire horriblement tordue. Mais elle la complique avec délectation en multipliant les intervenants, pour commencer. Outre les habituels personnages (dont certains qui reviennent : EVE est bien là, et en pleine forme), on découvre des êtres étranges au comportement curieux. Et, cela fait partie de l’efficacité de la narration du maintien du suspens, dont on ne sait vraiment pas grand-chose. Les révélations vont arriver au compte goutte. Et certaines d’entre elles, au lieu de clarifier la situation, va encore la complexifier. Autrement dit, il faut un peu s’accrocher pour suivre tous les aléas de cette aventure.

Je ne m’en plaindrai pas, étant l’un des premiers à regretter les scénarios écrits sur un ticket de métro (à propos, il paraît que les tickets de métro vont disparaître progressivement : encore une expression qu’il faudra expliquer aux futures générations). Mais là, parfois je me suis fait un ou deux nœuds au cerveau. Mais cela n’a pas été un déplaisir, au contraire. J’ai adoré suivre les scènes de combat, toujours aussi bien décrites (l’autrice n’a rien à envier aux spécialistes de la SF militaire du style de David Weber, l’auteur de la série Honor Harrington).J’ai adoré m’interroger sur les réelles motivations de chacun. J’ai adoré observer les tractations de personnages fourbes au possible, balayés par la finesse de SecUnit. Et oui, la finesse ! Car elle progresse chaque jour jour davantage, au fur et à mesure qu’elle mûrit. Et elle est en pleine crise de croissance, avec l’enrichissement (et les difficultés qui vont avec) de ses amitiés. Il lui déjà accepter l’idée qu’elle peut posséder des amis. Voire plus. Une batterie de nouveaux sentiments pour cet être qui se construit en permanence. Avec le sourire, mais aussi beaucoup de sérieux. Et c’est tant mieux.

Par principe, j’évite de questionner les humains sur leurs états d’âme. (En premier lieu parce que je m’en fiche.) (Les rares fois où cela m’intéresse, cela suppose d’engager une conversation non relative aux protocoles de sécurité, qui se révèle souvent épineuse à plus d’un titre.) 

Bilan globalement positif pour ce passage de la novella au roman. Même si certains passages m’ont un peu lassé, dans l’ensemble, je trouve que Martha Wells a parfaitement réussi cet allongement. Cela lui a permis de développer davantage encore ce personnage qui fait notre bonheur depuis cinq récits. Chouette, il en reste encore un ! Zut, il n’en reste plus qu’un !

Présentation de l’éditeur : « Dans la catégorie androïde, je suis une SecUnit séditieuse. Il y a beau temps que j’ai piraté mon module superviseur et j’ai pris goût au libre arbitre. Cela m’apparente-t-il au genre humain ? Beurk. Sûrement pas. Dans l’ensemble les humains sont des imbéciles répugnants dévorés par leurs émotions. » Mais on ne se refait pas. Ou bien si, justement. Et quand une mission d’exploration de ceux qui l’ont accueilli dans leur communauté tombe sous l’assaut d’un bâtiment hostile, AssaSynth n’hésite pas à payer de sa personne. À plus forte raison si la situation tourne à l’inextricable : un vaisseau qui-n’est-pas-son-ami (« ça n’a rien à voir avec les interactions humaines ») décérébré, des pirates contrôlés par un implant sauvage, un monde dévoyé qu’on s’arrache et jusqu’à une ado encombrante trop futée. Il faut protéger les uns (y compris d’eux-mêmes), rentrer dans le lard des autres. Et attention : se méfier des reliques aliens imprévisibles. Action. Le roman Effet de réseau fait suite aux quatre novellas du « Journal d’un AssaSynth ». Défaillances systèmes et Schémas artificiels, les premier et deuxième volets de « Journal d’un AssaSynth », ont été couronnés par le prix Hugo en 2018 et en 2019.

L’Atalante, collection « La Dentelle du cygne » – 24 septembre 2020 (roman inédit traduit de l’anglais [États-Unis] par Mathilde Montier – 416 pages – 24,50 euros)

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13 réflexions sur “Effet de réseau [Journal d’un AssaSynth .5], Martha WELLS

  1. J’ai trouvé ce passage au format long plutôt réussi également. Il y a quelques petites longueurs mais globalement on n’est pas trompé sur la marchandise 😁
    Il me semble que j’avais vu passer l’info disant qu’elle pourrait ajouter d’autres volumes à la serie (mais je sais plus où ni quand 🤔)

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  2. J’ai trouvé ce passage au format long réussi – même que je ne pouvais tellement pas le lâcher que je l’ai terminé à 1h du matin ^^ »
    Un 7e tome est annoncé en VO cette fin d’année;.. j’ai si hâte de retrouver AssaSynth ! (je ne m’en lasse pas)

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