Lumières aveugles, Benjamin LABATUT

Présentation de l’éditeur : Quel est le lien entre le bleu de Prusse et la capsule de cyanure d’Hitler ? Comment une seule et même invention a-t-elle pu à la fois entraîner la mort de millions de gens et permettre de nourrir l’ensemble de la population mondiale ? Comment les travaux du plus grand mathématicien de notre temps sont-ils restés cachés pendant vingt ans dans un village perdu des Pyrénées ? Et si c’était grâce à la tuberculose qu’a été développée la théorie de la mécanique quantique ?

Galerie d’anecdotes extraordinaires – parfois trop belles pour être vraies, souvent trop vraies pour être belles – et de portraits saisissants des plus grands esprits du siècle passé, Lumières aveugles avance sur la ligne trouble qui sépare le génie de la folie, nous entraînant avec verve, passion et suspense dans les coulisses de la science.

Mon avis : À la lecture de ce livre, difficile de ne pas associer génie à folie, comme l’annonce le bandeau, d’ailleurs. Lumières aveugles est constitué de plusieurs récits, comme des nouvelles plus ou moins longues, traitant toutes d’un même thème : le génie scientifique qui confine à l’indicible, à l’incompréhensible, à l’isolement d’avec les autres humains tant les pensées de ces personnes sont différentes, pressantes, envahissantes. Des noms aussi connus que Schrödinger (l’homme au « chat quantique »), Heisenberg (et son principe d’incertitude), Einstein (et sa théorie de la relativité, bien sûr) apparaissent dans ces pages. On y découvre des hommes (toujours : les femmes les entourent, les aident, les effraient, mais de personnage central féminin, ici, point) tellement embarqués dans leur vision du monde, dans leur vision tout court, au sens presque divin du terme, qu’ils en oublient de vivre comme vous et moi. Ils sont pris dans des tourbillons de pensées, souvent au détriment de leur santé.

Benjamin Labatut s’y entend pour nous attirer dans ses rets. Il commence tout doucement, par des anecdotes intéressantes, voire fascinantes : la découverte du bleu de Prusse, par exemple. Et son lien avec le cyanure et, par conséquent, d’une manière détournée, le suicide d’Adolf Hitler. Avec une grande érudition et un style très abordable. Et puis, progressivement, il nous entraine dans ce qui l’intéresse vraiment, le dérèglement, les limites du génie, ses plongées dans ce que l’on ne peut considérer que comme de la folie, tant les comportements se gauchissent, se radicalisent (certains s’enferment et ne communiquent plus avec personne ; une autre abandonne tous ses biens et vit dans la pauvreté, changeant régulièrement de demeure pour vivre dans l’isolement et le dénuement le plus total).

Et ce glissement progressif se fait en douceur, mais sûrement. Benjamin Labatut mêle aux anecdotes véridiques ses propres images. Il reconnaît d’ailleurs s’être permis quelques libertés quand l’Histoire nous a laissé des trous. Il les a comblés, ces trous, avec un certain talent, pour aboutir à un tout lié, à des récits qui se rencontrent et tissent une trame solide. Ce qui fait de Lumières aveugles un livre fascinant, qui apprend pas mal de choses sur certaines figures essentielles de la science du XXe siècle et donne envie d’aller plus loin dans la découverte de ces hommes, de leur génie qui nous a été essentiel, de leur folie, qu’ils n’ont su ou voulu dominer.


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