Transition, Iain M. BANKS

Comme j’ai appris que le prochain numéro de la revue Bifrost (le 114) allait nous offrir un dossier consacré à l’écrivain écossais Iain M. Banks et que, sur Babelio, je participe à un défi proposant de lire le maximum d’ouvrages de cet auteur, je me suis demandé quel serait le premier. N’osant pas tout de suite attaquer le monument que représente la Culture, j’ai tenté Transition, roman hors de tout cycle.

Un thriller SF

Transition possède des points communs avec les films du style des James Bond : une mystérieuse organisation mondiale sévit dans l’ombre. Elle agit, sans que personne ne le sache et modifie l’ordre des choses pour imposer le sien. Mais quel est son but ? Mystère. Qui sont les agents et, surtout, les dirigeants qui composent le Concern ? Autre mystère. Et d’où viennent-ils, eux qui peuvent voyager d’un monde à l’autre ? Car Iain M. Banks use ici d’un thème classique de SF, les univers parallèles. Entre lesquels se promènent les agents du Concern, les « Éveillés », qui sont « conscients des réalités multiples ».

Enfin, se promènent, c’est vite dit. Il leur faut, pour commencer, l’aide d’une substance conservée précieusement par l’organisation, le Septus. Sans elle, pas de voyage possible. Ensuite, chacun possède sa routine, qui lui permet de se transférer, en esprit, dans le corps d’une personne dans une autre réalité et de prendre sa place le temps de la mission. Concept intéressant et violent. Imaginez qu’un agent prenne possession de votre corps dans le but d’assassiner quelqu’un et vous laisse en reprendre le contrôle une fois la victime devant vos yeux, votre main tenant encore l’arme meurtrière. Vous allez avoir du mal à justifier tout cela devant les autorités. Mais l’auteur ne s’appesantit pas sur ce côté immoral des transitions. Seul l’intéresse le duel qui sert d’ossature à ce roman.

Nous modifions le cours des choses. Dans le bon sens, bien entendu. Nous l’espérons, en tout cas.

Madame d’Ortolan vs Mme Mulverhill

En effet, Transition est l’histoire de deux ambitions, de deux visions du monde qui s’opposent. Et qui s’affrontent, prenant le reste des humains pour des pions posés sur leur terrain de jeu. Deux femmes, puissantes, bien placées dans l’organisation, vont se servir de leurs relations et de leur caractère bien trempé pour tenter d’obtenir le triomphe de leur pensée, quitte à causer la mort, la torture. Mais avant de comprendre qui elles sont et ce qu’elles veulent, il va falloir apprivoiser la structure du roman. Car l’auteur ne nous facilite pas la tâche. Comme dans beaucoup de récits, il change de point de vue régulièrement, nous promenant dans l’esprit du Philosophe, du Transitionnaire ou de plusieurs autres. Nous faisant également témoins des manigances de Madame d’Ortolan (car nous ne pouvons pénétrer son esprit à elle, qui reste un mystère). Et avant de comprendre qui est qui, et, surtout, le rapport et les liens entre tous ces êtres, il se passe plusieurs dizaines, voire centaines de pages. Je ne sais pas si Iain M. Banks table autant sur la confiance et le courage de ses lecteurs dans tous ses ouvrages, mais c’est impressionnant. Il m’a fallu une certaine volonté pour m’accrocher au début du roman. Ensuite, seule sa longueur m’a un peu gêné. Car l’histoire m’a suffisamment intéressé pour que je fasse abstraction de tous les trous que l’auteur laisse volontairement en place. Du moins au début. Car on finit par tout comprendre. Ou, en tout cas, tout ce que l’écrivain juge intéressant et important (pas les buts du Concern, hors influence des deux combattantes, par exemple ; ou la logique de ces réalités parallèles et leur structure). Mais il faut être patient.

Une histoire violente

De même, je m’interroge sur la violence que met en scène l’auteur écossais. Je n’ai pour l’instant lu que ce roman, mais certaines scènes n’ont pas été tendres avec les personnages. Cela ne représente qu’une petite part des six cents pages, mais quelques moments ont été particulièrement pénibles. Je comprends que cela soit nécessaire et d’aucuns me diront que dans n’importe quelle série, aujourd’hui, on peut tomber sur des scènes de torture exposées comme si c’était habituel et normal. Cependant, j’ai été marqué par des coups et des blessures infligés sans aucun remords. Et même si cela colle à l’état d’esprit de ceux (ou plutôt celles) qui ordonnent, cela n’en reste pas moins violent. Je verrai dans mes autres lectures des œuvres de Iain M. Banks si c’est une exception ou non.

Pour finir, j’ai apprécié quelques-uns de ses petits clins d’œil, comme l’inversion des perspectives avec des mondes ou sévit une « menace terroriste chrétienne » en lieu et place de celle créée par quelques musulmans fanatiques de nos jours. Tout comme certains coups de griffe au modèle capitaliste tout puissant et aux libertariens si influents aujourd’hui. Et, surtout, comment l’auteur règle la question des extraterrestres, sinon impossibles, du moins peu probables avec ces multiples réalités (pour découvrir son raisonnement, il vous faudra lire le roman).

Les libertariens. Une idéologie débile de droite, idéale pour tous ceux qui refusent ou sont incapables de voir au-delà de leur égocentrisme sociopathe.

Pour un début de découverte de l’œuvre de cet auteur devenu un classique et dont j’avais entendu parler depuis de si nombreuses années, ma première pioche a été bonne sans être exceptionnelle. Je ne me suis pas ennuyé en lisant Transition mais j’ai été surpris par l’exigence de ce titre. Je ne regrette pas mon choix et souhaite toujours continuer à farfouiller dans les livres de cet écrivain.

Présentation de l’éditeur :

Maîtres du monde et mondes parallèles. Une mystérieuse organisation, le Concern, dispose du pouvoir de faire passer ses agents d’un univers à l’autre. Elle prétend s’en servir pour améliorer le sort de l’humanité. Ou mieux, des humanités. Elle encourage ici, elle élimine là. Mais le pouvoir corrompt, et un pouvoir absolu corrompt absolument…

Par le créateur du cycle de La Culture, une variation fascinante sur le thème de la lutte éternelle entre le bien et le mal.

Calmann-Lévy (2012) / Le Livre de poche – octobre 2013 (roman traduit de l’anglais [Écosse] par Patrick Imbert – Transition (2009)– 600 pages – Poche : 8,10 €)

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11 réflexions sur “Transition, Iain M. BANKS

  1. Je plussoie Baroona, je viens de relire L’Homme des Jeux est c’est vraiment une belle porte d’entrée pour la série. Mais j’avais préféré à l’époque Une forme de guerre beaucoup plus âpre. Mais j’ai l’intention de lire la série complète, j’attends le Bifrost pour voir ce que je peux piocher d’autre mais je note déjà celui-ci.

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