Parcourir la Terre disparue, Erin SWAN

Mêler le western à la conquête de Mars : pourquoi pas ? Mais pas à la façon de la série Westworld, genre « grand parc d’attraction ». Non, plutôt à la manière « grande saga familiale ». Car c’est le parcours d’une famille à travers les âges que nous offre Erin Swan dans cet étrange et beau roman, Parcourir la Terre disparue. Et à travers ce portrait, celui d’une Terre qui se modifie et devient de moins en moins hospitalière. De moins en moins peuplée.

Le destin

On commence en 1873 avec Samson. Dans le sang. Car le jeune homme chasse les bisons, puis les dépèce. Et ça saigne et ça pue. Mais c’est le travail. Mais Samson en a assez et rêve de s’installer : une ferme, une épouse, des enfants. Puis, on saute en 1975 avec Bea. La jeune femme avance au milieu d’un paysage désert, puis d’une ville. Mais elle semble complètement perdue. Comme dans un autre monde. On comprend vite qu’elle a subi un grave traumatisme qui l’a bouleversée. Dans l’institution où elle est enfermée, un psychiatre fait tout ce qu’il faut pour l’aider. Si cela est possible. Encore un saut dans le temps : 1993. Paul a été abandonné par ses parents. Il mène une vie ordonnée avec une épouse qui prend soin de lui et de son intérieur. Tout est nettoyé, stérilisé. Impressionnant de propreté. À ses heures volées au sommeil, Paul construit dans sa cave une maquette de cité flottante. Cela lui servira. 2027 : sur la ville flottante imaginée par Paul. Avec sa propre fille, il l’a construite. Car la Terre est devenue inhabitable pour beaucoup. La faute au réchauffement climatique. De nombreux pays, de nombreuses régions ont été inondés. Il faut s’adapter. Certains ont pu le faire. Beaucoup non. En finit en 2073, sur Mars. Avec Moon et ses deux oncles. Dont on découvre rapidement qu’ils ne sont pas humains. Mais que sont-ils ? Et quel est leur but ? En tout cas, ce que l’on comprend rapidement, c’est que tous ces personnages sont reliés par un destin. Des cauchemars communs : une silhouette menaçante, une étoile rouge. Mais quelle est la signification de tout cela ?

Il me suffirait d’imiter le ton des manuels. Autoritaire. Impérieux. Comme ceux que j’avais au collège, avec leurs cartes, leurs illustrations, leurs en-têtes déclaratifs. Les Grandes Expéditions. Les Conquêtes coloniales. Le Chemin de la Révolution.

Une structure morcelée

Pour ne rien arranger. Ou plutôt, si, pour tout rendre plus intéressant, plus mystérieux donc plus addictif, Erin Swan a construit son récit en le déconstruisant. Un passage de quelques pages en 1873 et on bondit directement en 2073. Au lecteurice de prendre patience et de tenter d’assembler les différents indices distribués parcimonieusement. Mais l’autrice se débrouille bien. Il faut dire que ce roman, elle l’a porté longtemps. Et cela se sent, dans le bon sens du terme. La structure est telle qu’on est happé dans l’histoire et qu’on veut comprendre. On passe beaucoup de temps et tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de tout cela. Qui sont ces personnages ? Qu’est-ce qui les relie ? Quel est le but de tout cela? Et que s’est-il passé ? Pourquoi Moon et les autres semblent-ils si seuls sur Mars ? Quelque chose qui n’a pas fonctionné ?

On bâtira une nouvelle société sur les ruines. On recréera le monde.

Belle découverte que ce roman. Je lis de temps en temps les ouvrages publiés par les éditions Gallmeister et, en générale, je ne suis pas déçu. Cette fois encore, je suis heureux de mon acquisition. D’autant plus que j’ai l’impression que cette maison d’édition publie de plus en plus d’ouvrages ressortissant de la SF, même indirectement. Une autre manière de toucher le plus grand nombre et, peut-être un jour, de désenclaver ce genre que je chéris.

Présentation de l’éditeur : En 1873, Samson, chasseur de bisons fraîchement immigré, parcourt les Grandes Plaines, plein d’optimisme devant son nouveau pays. En 1975, Bea, adolescente enceinte et mutique, arpente le même paysage, et finit par atterrir dans une institution où un psychiatre s’efforce de déchiffrer ses dessins. En 2027, après une série de tornades dévastatrices, un ingénieur abandonne son existence routinière pour concevoir une ville flottante sur le site de ce qui fut La Nouvelle-Orléans, où il fonde avec sa fille poétesse une communauté de rêveurs et de vagabonds. En 2073, la Terre est entièrement noyée, et la jeune Moon n’a entendu à son propos que des histoires. Vivant sur Mars, elle s’interroge sur l’avenir de son espèce. Parcourir la Terre disparue est l’histoire d’une famille, de celles et ceux qui, génération après génération, héritent d’un même rêve. Avec la même pugnacité et le même espoir, ils tentent de survivre sur une Terre qui se couvre lentement d’eau. Une aventure pleine de résilience et d’espérance.

Gallmeister – 4 mai 2023 (roman traduit de l’anglais [États-Unis] par Juliane Nivelt Walk the Vanished Earth (2022) – Illustration : Aurélie Bert – 496 pages – 25,80 euros / numérique – 17,99 euros)

D’autres lectures : Yogo (Les lectures du Maki)Zoé prend la plume


19 réflexions sur “Parcourir la Terre disparue, Erin SWAN

  1. Enfin je rattrape mon retard par ici !
    J’avais lu ton billet quand il est paru, et je n’avais pas encore trouvé le temps de commenter. Celui-là c’est direct dans la wishlist, ça me tente énormément. Je ne connaissais pas du tout les éditions Gallmeister, merci pour cette double inspiration !

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