Magie d’encre, Emma TÖRZS


Les livres sont magiques. Ce n’est pas vous qui direz le contraire. Quand on s’y intéresse de près, on ne peut qu’en être convaincu. Cependant, ceux que possède la famille de Joanna n’ont pas les pouvoirs de ceux qui trônent sur mes rayonnages. Les siens sont plus anciens et surtout, avides de sang. Car certains ouvrages nécessitent une encre bien spéciale, dont l’ingrédient principal est ce liquide sombre qui coule dans nos veines. Et pour obtenir le pouvoir qu’ils contiennent, nombreux sont ceux prêts à en faire couler des litres. Une magie tout sauf anodine, donc.

Un trio à assembler

Trois personnages dominent ce roman : Esther, sa sœur Joanna et Nicholas. Ils sont séparés par des milliers de kilomètres au début du récit. Et certains ne se connaissent absolument pas. Mais, on le sait dès les premiers chapitres, ils seront réunis. Comment ? Pourquoi ? C’est le sujet de ces près de six cents pages. Ça et la magie. Et un peu aussi la famille, ses amours et ses trahisons. Rien nécessairement d’original, mais bien assemblées, ces pièces peuvent donner un page turner efficace et addictif. C’est le cas avec Magie d’encre.

Esther est isolée dans une base de l’Antarctique. Mais tout cela devrait bientôt se terminer. Car elle a fait une promesse à son père avant de quitter le cocon familial : chaque année, à la même date, elle doit changer de lieu de vie, tout abandonner. Pourquoi ? Elle ne le sait pas vraiment. Mais jusqu’ici, elle a obéi. Malgré le décès de son père, Abe. Cependant, cette année, elle hésite : car elle a trouvé Pearl, une jeune Australienne pleine de vie qui lui donne de nombreuses raisons de ne pas quitter cette base glacée.

La route était un cercle fermé et non un chemin ouvert.

Joanna est isolée dans sa maison familiale. Maintenant que son père est mort, que sa mère et sa sœur sont parties à quelques mois d’intervalle, elle est la dernière gardienne de la bibliothèque. Des dizaines de livres bourdonnent de magie à la cave, protégés par une barrière qui rend la maison invisible, sauf à ceux dont le sang tâche les pages d’un vieux manuscrit.

Nicholas est isolé dans son manoir, entouré de nombreux serviteurs. Protégé par Collins, son garde du corps. Par sa belle-mère Maram. Par son oncle Richard, qui s’occupe de lui depuis la mort de son frère, le père de Nicholas. Ce dernier est le dernier Scribe en vie sur Terre. Il est le seul à pouvoir créer des manuscrits magiques. À dompter les apparences, à transformer le réel. Du moins, pour un temps. Mais cette responsabilité est lourde : il est sans cesse cantonné dans des lieux sécurisés. Sans personne à voir. Prisonnier en fait. Et chaque jour, il s’affaiblit un peu plus. Car pour écrire ses sortilèges, il lui faut donner de son sang.

Une magie exigeante

En effet, dans Magie d’encre, le pouvoir se paye. Cher. Ne serait-ce que pour utiliser un sort, il faut mélanger son sang à des herbes déterminées. Chaque lecture, longue, voire très longue, est accompagnée de ce sacrifice. Pas énorme, mais qui montre bien l’obligation qui accompagne la récompense. Un sort, ici, n’est pas une petite formule que l’on lance avec l’air inspiré et un mouvement de la main. C’est un léger sacrifice qu’il faut consentir.

Nicholas leva la poche de sang à la lumière des bougies.

« Tu es bien oxygénée.Regarde comme il est rouge. »

Et c’est encore pire pour ceux qui les rechargent (car ils s’épuisent peu à peu et demandent encore et toujours su sang) et, surtout, pour ceux qui les créent. Là, on parle en litres de sang. Mélangés à des herbes déterminées, ils permettent de fabriquer l’encre, le nerf de la guerre. Or, écrire de telles formules est gourmand en ce précieux liquide. Certains ouvrages ont nécessité la mort d’un ou deux Scribes. C’était possible lors d’une lointaine période faste où ces derniers étaient plus nombreux que le seul Nicholas actuel. On le voit, cette magie est cruelle et sans cœur. Elle sacrifie des femmes et des hommes pour le pouvoir d’autres personnes plus riches ou plus haut placées. J’ai d’ailleurs apprécié ce côté plus trivial de la magie, loin des paillettes et de la légèreté que j’associe aux œuvres la mettant en scène. Tout comme l’utilisation des miroirs, la magie spéculaire.

Le mystère entraîne la fascination, la fascination crée le désir, le désir mène à la possession.

Mais attention, l’ouvrage n’est pas sombre, loin de là. Malgré ce côté noir, le ton général est plutôt léger. Et l’on se doute dès le début que tout cela finira bien pour les héros. Non, je ne divulgue rien. Je donne juste mes impressions de lecture. Pour savoir si je me suis trompé, n’hésitez pas à lire cet ouvrage. Je ne dirai rien de plus à ce propos. Je me contenterai de préciser que, même si certains côtés simplistes m’ont un peu irrité, j’ai passé un bon moment de lecture et que je n’ai pas vu le temps s’écouler. Le sortilège, sur moi, a fonctionné.

Présentation de l’éditeur : Certains livres sont dangereux.

Certains livres, écrits à l’encre de sang, renferment une magie ancestrale. Rares sont ceux qui connaissent leur existence, plus rares encore ceux qui les protègent… et sont prêts à en payer le prix.

La famille Kalotay, propriétaire d’une collection de ces livres aussi puissants que redoutables, a été divisée par ce secret. Tandis que Joanna a dédié sa vie à la conservation de cette bibliothèque, enchaînée à la maison familiale, sa demi-sœur Esther fuit depuis dix ans une hypothétique menace. Et lorsque leur père meurt soudain, un livre inconnu à la main, il devient évident qu’il ne leur a pas tout dit.

Contraintes d’affronter le danger pour protéger leur héritage familial, les deux sœurs s’apprêtent à découvrir des secrets propres à bouleverser leur vision du monde et de la magie.

Premier roman empreint de mystère, Magie d’encre nous plonge dans un univers fantastique et intrigant qui explore secrets de famille, soif de pouvoir et trahison.

Denoël, collection « Lunes d’encre » – 1er mai 2024 (roman inédit traduit de l’anglais par Mathieu Prioux – Ink Blood Sister Scribe (2023) – 592 pages – Couverture : Pascal Guédin – Édition brochée : 24,90 € / Numérique : 17,99 €)

Merci aux éditions Denoël pour ce SP.

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