Mort aux geais ! [Capitale du Nord. 2], Claire DUVIVIER

Les geais, ce sont les nobles, qui ont l’habitude de se pavaner. Mais Amalia Van Esqwill, elle, ne se pavane pas. Car elle est recherchée pour meurtre. Tout comme Yonas, son ami. Les voilà obligés de se réfugier dans les bas-fonds de Dehaven pour échapper aux poursuites alors qu’ils sont innocents du crime dont on les accuse. Mais pour prouver leur innocence, il faut retrouver les autres témoins de ce terrible évènement. Et ces derniers se cachent.

Une cité au bord du chaos

Amalia et Yonas se retrouvent donc seuls au monde. Dans une cité, Dehaven, en proie au doute et proche du chaos puisque les colonies se rebellent. Or tout l’équilibre politique et financier de cette ville tient sur les richesses qui découlent de leur exploitation. Pendant que le bateau menace de couler, chacun place ses pions en espérant toucher le jackpot. Les différentes factions au pouvoir fourbissent leurs armes : certaines tentent de consolider leurs positions tandis que d’autres lorgnent leur place. Mais dans le peuple aussi la révolte gronde. Des groupuscules séditieux se réunissent et réfléchissent à des moyens, nécessairement brutaux, de renverser l’ordre établi, de se débarrasser de ces geais arrogants et égoïstes. De plus, il faut se préparer à lutter contre les colonies au cas où l’expédition menée par la mère d’Amalia ne donne aucun résultat. Là encore, on balance entre attente et interventionniste militaire : faut-il patienter et laisser sa chance à la paix ou, au contraire, prendre les devants et partir à l’assaut ? Les tenants de la fermeté et de la force brute semblent avoir le vent en poupe.

Toutes ces histoires n’en racontaient qu’une seule, finalement : celle de la lente décadence d’une cité trop sûre d’elle qui prenait conscience qu’elle était construite sur l’ancien estuaire d’un fleuve et que ses fondations s’enfonçaient dans la glaise.

Des personnages au bord du chaos

Dehaven n’est pas la seule à connaître une crise existentielle. Amalia a vu son monde s’effondrer. Sa famille et sa belle-famille ne sont plus : mortes ou par-delà les mers. Elle accusée de meurtre et ne peut donc légitimement réclamer la possession de ses biens. La voilà donc sans le sou, sans soutien, dans une partie de la ville qu’elle ne connaît pas. Sans compter Ebelin, son demi-frère, qui se dit qu’il a trouvé là le moyen de mettre la main sur ce patrimoine qui semblait devoir lui échapper. Amalia va devoir s’adapter. Elle avait été élevée dans la noblesse, parlant au passé simple (cela m’avait d’ailleurs bien surpris à la lecture de Citadins de demain, ne s’occupant de rien d’autre au quotidien que de son éducation et de son futur mariage (pas désiré, mais on ne lui laissait pas le choix). Maintenant elle doit trouver de quoi se nourrir, se loger. Sans se faire remarquer, malgré son parler trop policé. Heureusement, Yonas est là. Lui vient de ces Faubourgs et connaît ses habitants, ses us et coutumes.

Mais survivre ne suffit pas. Il faut un but. Et les deux jeunes gens vont en trouver un : la haine. Et donc, la vengeance. Chacun sa cible, mais un sentiment commun de détestation profonde. Qui les nourrit et les pousse à commettre un acte aux conséquences immenses : ils utilisent un des artefacts qui ont causé la perte d’Hirion. Mais cette fois, ce n’est pas le peigne qui est au centre. C’est le diadème. Amalia et Yonas vont entrer en contact par l’intermédiaire de cet objet. Et peu à peu va se créer entre eux un lien puissant qui va leur permettre de croire possible leur vengeance. Cependant, ne mettent-ils pas leur santé mentale, voire leur vie en jeu ?

Un autre rythme

Si Citadins de demain peinait à démarrer, à mon avis, sans doute parce qu’il fallait présenter tout ce petit monde de façon détaillée, Mort aux geais ! ne souffre pas de ce travers. L’action, même si elle n’est pas intense de chapitre en chapitre, est soutenue et l’on ne voit pas le temps passer. Il faut dire que les chantiers ouverts sont nombreux. Et Claire Duvivier nous les rend vivants, tant elle nous approche de ses personnages. On vit littéralement avec Amalia et Yonas, on ressent leurs doutes et leurs joies (ils en connaissent de temps en temps) ; on se laisse aller avec eux au ressentiment, à la colère ; on s’émerveille des possibilités offertes par les diadèmes. Et souvent, on comprend un peu tard que l’on n’est pas maitre de nos destins malgré les efforts fournis. Et qu’il est difficile de se libérer d’un tel enchevêtrement de problèmes. Mais surtout qu’il ne faut jamais désespérer.

Je n’ai jamais rien lu d’aussi bête, assenai-je en laissant tomber l’ouvrage. Tu connais ?

– Amalia, je suis navré de te l’apprendre, mais tout le monde connaît et apprécie ce livre. C’est un chef-d’œuvre.

Car malgré la noirceur de la ville et de son ambiance, Mort aux geais ! n’est pas un roman lugubre. Il offre un beau portrait d’une héroïne tout en force et en volonté, qui n’accepte pas la condition de sa naissance ni les tourments dans lesquels le sort l’a jetée. J’ai lu ce récit sans respirer, appréciant cette promenade dans les quartiers populaires de Dehaven, souffrant avec les révoltés, tremblant avec Amalia et Yonas. La fin offre de belles pistes pour le dernier volume de cette trilogie. Patience, plus qu’un an !

Ce roman appartient au cycle de la Tour de garde, composé de deux trilogies écrites par deux auteurices : Capitale du Sud par Guillaume Chamanadjian est composée de Le sang de la cité, de Trois lucioles et des Contes suspendus ; Capitale du Nord par Claire Duvivier est composée de Citadins de demain, de Mort aux geais ! et de la conclusion qui devrait paraitre en octobre 2023.

Présentation de l’éditeur : Après les terribles meurtres de la maison De Wautier, le monde d’Amalia Van Esqwill s’est écroulé. Considérés comme les principaux suspects, Yonas et elle trouvent refuge dans les tumultueux Faubourgs de la ville. Mais s’ils peuvent se cacher de la garde havenoise, qui les protégera de l’emprise de l’enchantement ? Pour survivre, Amalia devra surmonter sa douleur, dompter ses peurs, s’adapter à la clandestinité… et accepter de confier son destin au jeu de la tour de garde.

Aux forges de Vulcain – 7 octobre 2022 (roman inédit – Illustration : Elena Vieillard – 412 pages – 20 euros)

Merci aux éditions des Forges de Vulcain (à David Meulemans) pour ce SP.

D’autres lectures : Tigger Lilly (Le dragon galactique)Dionysos (Le Bibliocosme)une interview de l’autrice par Dionysos (Le Bibliocosme)CélineDanaë (Au Pays des Cave Trolls)Sometimes A BookMaks (Un Bouquin sinon rien)Boudicca (Le Bibliocosme)

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