Pam Pam au pays des merveilles, Karim BERROUKA & ZARIEL

Pam Pam est un lapin cool, qui aime écouter Chopin, les siestes et Hildegarde. Là, il s’apprête à piquer un petit roupillon, au calme, sous un arbre frais quand une fille sort d’un tilleul. Déjà, ce n’est pas banal. Mais en plus, elle se met à l’insulter copieusement, avec une grande imagination. Elle a le verbe fleuri, la petite ! Puis elle repart d’où elle venait. Sans vraiment réfléchir, Pam Pam franchit la porte et se retrouve de l’autre côté du miroir.

Un style qui fleure bon la Panzer division

Je connaissais Karim Berrouka de nom. J’avais déjà compris qu’il aimait prendre une histoire connue et la dynamiter avec allégresse. Mais je n’avais jamais franchi le pas. Ce que j’ai fait, enfin, en découvrant la couverture déjantée de ce Pam Pam au pays des merveilles. Et puis, après la lecture de La Guerre des Marionnettes, dernier opus qu’Adam-Troy Castro a consacré à Andrea Cort, j’avais besoin de légèreté. Bon, alors, je parle de légèreté d’enjeu. Pas nécessairement de style. J’étais habitué, dans le genre comique en SFF, à Terry Pratchett. Donc de l’humour « anglais ». Ou à Fredric Brown, donc de l’humour « ancien », à chute. Or Karim Berrouka, lui, a plutôt tendance à défourailler les mots avec joie et délectation, un peu comme Audiard le faisait, dans son domaine, voilà quelques dizaines d’années. On sent le plaisir de manier le verbe, haut ou non. Plaisir partagé. Par exemple : « ô être de perfection à la robe fauvelue et au lustrage flocireux » ou « une sorte de tonneau à pattes rougeaud, à la face couperosée et à l’haleine à coucher un troupeau de bisons ». Quand je rencontre de telles formulations, j’apprécie. Ça pique un peu, mais c’est tellement bon ! Alors bien sûr, l’auteur n’y va pas toujours avec le dos de la cuillère, mais quand on aime on ne compte pas et là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. Bref, amateurs de finesse et de poésie éthérée, passez votre chemin ! Les autres, embarquez !

Ça dépote !

Le style ne faisant pas tout, que vaut l’histoire. Eh bien, cher/chère lecteur/lectrice, elle tient la route. Pam Pam passe d’un lieu à un autre, d’un personnage délirant à un autre surprenant, de Charybde en Scylla. Mais avec flegme. Et il vaut mieux, car il est perdu dans un monde aux règles pour le moins anarchiques et il affronte des forces pas piquées des hannetons. Dont, entre autres, une princesse qui a bien mal tourné et le méchant Amazon, qui veut, doit vendre tout et n’importe quoi. La critique est facile, mais elle est bien mise en scène et plus d’une fois, je me suis dit : « Bien vu » ! Tout le monde en prend pour son grade, sauf peut-être les lapins.

Et le côté « graphic » ?

Zariel, le dessinateur, aurait pu se contenter d’illustrer le roman. Il ne l’a pas fait. Enfin, pas la plupart du temps. Si, au début, on peut avoir l’impression qu’il a tenté de coller au texte, souvent, il a utilisé ses plages de dessin pour interpeller son co-auteur, avec humour et dérision. Et d’autres fois, il s’adresse directement au lecteur. Dialogue surprenant, mais très drôle lui aussi, tout comme les dessins eux-mêmes. Pam Pam est hilarant, en vieux soixante-huitard défoncé, une carotte fumante entre les dents. Une mention spéciale pour ses binocles tout en rondeur. Et les autres personnages aux yeux hallucinés ne manquent pas de sel, eux non plus. Grâce à ces illustrations et à la mise en page soignée, Pam Pam au pays des merveilles est un beau livre, un bel objet.

Plusieurs fois, lors de discussion avec d’autres blogueurs.euses, j’ai évoqué le rendez-vous raté avec certains livres, quand on n’est pas dans l’humeur, dans le bon état d’esprit pour en profiter au maximum. Pour Pam Pam au pays des merveilles, le timing a été parfait : j’étais très réceptif à cet humour caustique et imaginatif, à cette promenade à travers des délires contrôlés. Je me suis amusé, l’esprit aussi relâché que si j’avais inhalé quelque substance euphorisante. Et je crois que je reprendrai bientôt une petite dose de ce genre de poison.

Présentation de l’éditeur : Alors que la canicule sévit, Pam Pam se repose dans un pré quand une petite fille sort d’un arbre, le regarde, l’insulte, lui fait un bras d’honneur et retourne d’où elle vient. Passée la surprise, Pam Pam cavale après la môme et arrive dans le pays merveilleux. Au programme des rencontres avec des gens biens, des substances bizarres et des situations fort cocasses. Bref, Alice au pays des merveilles façon punk et lapin…

ActuSF, collection « Graphic » – 17 juin 2022 (roman inédit – Illustration : Zariel – 131 pages – 20 euros)

Merci aux éditions ActuSF pour ce SP.

D’autres lectures : Fantasy à la carte,

Et de un : premier récit de ma participation à ce défi, le Challenge S4F3 2022.

4 réflexions sur “Pam Pam au pays des merveilles, Karim BERROUKA & ZARIEL

  1. Bon. Je n’ai jamais lu cet auteur, je me suis toujours demandé si son humour allait me parler – moi qui ne comprends rien aux blagues même les plus fastoches. Et comme j’aime la finesse et la poésie, pas sûre que ce soit mon genre ! Mais si un de ses bouquins me tente le plus, ce serait celui-ci. Et puis j’aime bien les trucs rigolos quand même. Quand je saisis 😀
    Bon, je note, à tenter, à l’occasion. Ca m’interpelle, surtout avec l’aspect graphique à côté.

    Aimé par 1 personne

    1. J’avoue que je n’étais pas certain du verdict en commençant la lecture. Et puis, comme je le disais, il est arrivé au bon moment, ce roman. Si tu l’attaques avec le bon état d’esprit, cela peut te plaire. Je verrai ton avis si tu tentes le coup !

      Aimé par 1 personne

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