Toucher la peau du ciel [L’Empire s’effondre. II], Sébastien COVILLE

L’Empire, ou plutôt ce qu’il en reste, n’en finit plus de se déchirer. Les grands ordres qui, associés, tenaient le pouvoir, se livrent une lutte cruelle et sans merci. Représentants de la Loi, sectateurs de la Foi et Techniciens s’opposent au nom de leurs idéaux, de leurs croyances. Ou tout bêtement de l’ambition de leurs dirigeants. Et, pour couronner le tout, un autre groupe prend partie à la fête : Bas-Bœuf et son cortège de pauvres et de truands au parler caractéristique veulent eux aussi participer au dépeçage de la bête mourante.

Les affaires se compliquent

Comme pour le premier volume, il m’a fallu quelques pages pour reprendre le rythme, me réapproprier le style et, surtout, redécouvrir les personnages. Car ils sont nombreux et leurs noms un poil compliqués à mon goût (j’ai toujours eu du mal, avec les noms : chez Homère, je retiens plus facilement l’épithète que le nom du héros ou de la déesse) ne m’ont pas simplifié la vie. Mais rapidement, je me suis plongé pleinement dans l’histoire et j’ai à nouveau tremblé pour certains personnages et haï d’autres protagonistes. En effet, une fois de plus, Sébastien Coville se montre sans pitié avec ses créations. À peine « ressuscité », comme le veut la croyance populaire, Alfred de Pergoal est poursuivi par l’Inquisition qui souhaite ardemment le retrouver et le réduire au silence. Accompagné, entre autres, par Astrée de Saint-Ange, la militaire, et par la technicienne Léonore, qui l’a sauvé du feu dans le premier volume, mais qui en est sortie défigurée, il fuit jusqu’à la cité d’Astran. Là, dans les montagnes enneigées, les coprinces de la Technique se sont retirés et préparent la suite. Ils rameutent leurs partisans, fortifient la place, améliorent leurs armes. Mais difficile de savoir d’où viendra le danger. Et quand.

Car en face, dans la capitale, Arsène de Virolles va de déconvenue en déconvenue. Des forces l’abandonnent. Et la montée en puissance de Bas-Bœuf le déstabilise pour commencer. Difficile de trouver un équilibre entre les différentes factions, les divers appétits. Il en finirait presque par attirer une once de sympathie. Mais cela ne dure pas. Ce personnage est trop cruel, au nom de ses idéaux, bien sûr. Et il a plus d’un tour dans son sac. Surtout pour lutter contre la concurrence venue de ses propres rangs, sous les traits d’Anglas Karzian de Varm, qui l’a emporté lors du précédent combat contre l’ennemi, Phébus. Ambitieux, le vainqueur de Lomvarde compte bien rentabiliser son succès et devenir chef à la place du chef.

D’où provenait l’énergie tellurique et quels en étaient les principes fondamentaux ? Tant de réponses demeuraient hors d’atteinte.

Toujours la science, toujours les dieux

La science progresse indubitablement : outre les armes de plus en plus puissantes (Léonore va même inventer un avion efficace, qui rendra de grands services à son camp pendant les combats), Alfred découvre de nouveaux liens entre l’énergie tellurique et les symboles écrits. Le livre qu’il a récupéré lui permet d’aller plus encore. Cela pose la question terrible du lien fort qui unit, finalement, la science et les dieux. Or, parmi les hommes, ces deux ensembles sont irréconciliables. Et l’opposition ne va pas s’apaisant entre les deux grands axes de cette guerre (même si les factions sont plus nombreuses et que l’on compte plutôt trois fronts au début). Ce qui ressort de ces romans, c’est l’impossibilité de faire cohabiter une foi très forte en des dieux lointains (mais le sont-ils vraiment ? J’attends vraiment le troisième tome pour comprendre le rôle de ces êtres apparemment si puissants, mais relégués dans un autre lieu, avec un pouvoir sur les hommes peut-être pas si fort que cela ?) et la croyance en une science qui progresse quotidiennement. On le voit au fur et à mesure que les alliances varient, obligées de s’adapter à cette opposition capitale. D’ailleurs, ce schisme si puissant entraîne de véritables déchirements, entre anciens alliés, entre membres de la même famille. Dans la Olangar de Clément Bouhélier, les clans étaient plus définis, malgré les revirements et autres trahisons. Peut-être l’ambiance est-elle plus proche de celle que l’on retrouve dans La Dynastie des Dents-de-Lion, de Ken Liu, même si cette profonde dichotomie en est absente. Car, je le répète, ce qui structure, à mon avis, ce deuxième volume de la trilogie de Sébastien Coville, c’est la mise en place de deux clans, pourtant si proches par de nombreux aspects : Science vs Religion. Et leur lutte est et sera sanglante.

Faites confiance aux dieux, monsieur l’inquisiteur. Demain est un autre jour.

Lecture dense mais intense, Toucher la peau du ciel est une expérience intégrale car on ne peut que s’immerger totalement dans l’histoire, au coté de ses protagonistes, s’interroger avec eux sur leurs dilemmes, souffrir lors de leurs combats et des tortures à eux infligées. Et une fois de plus, l’attente, d’autant que les dernières pages ouvrent encore davantage cet univers sur un autre monde, une surprise à venir : allez, plus qu’un an et les réponses arriveront, avec la conclusion de cette trilogie implacable prévue en 2023.

Présentation de l’éditeur : Le Triumvirat est le pouvoir nouvellement investi dans la capitale, mais la rébellion s’organise dans les provinces. Et partout, on s’interroge : jusqu’où ira la guerre ? Tandis que la pègre étend son emprise et que la Foi se révèle, le destin des femmes et des hommes de Seth est plus incertain que jamais. Rien n’échappe aux engrenages implacables du cercle- monde. Telle est la tragédie d’un État à l’agonie. L’Empire s’effondre… Il est désormais en ruine. Quel monstre s’apprête à sortir de ses entrailles fumantes ? En ces temps de clair-obscur, les frontières s’effacent ; la raison et la justice, la victoire et la défaite, tout perd son sens. Rien n’est joué, les combats continuent. Et au milieu de ce chaos, tous veulent toucher la peau du ciel. Deuxième tome de la trilogie L’Empire s’effondre, Toucher la peau du ciel confirme avec évidence la force narrative de Sébastien Coville. Il signe avec ce deuxième opus un roman d’aventures riche et palpitant, qui poursuit la création d’un univers complet et d’une mythologie au cœur de son histoire.

Anne Carrière – 6 mai 2022 (roman inédit– 494 pages – Illustration : Pascal Quidault – 22,90 euros / numérique : 12,99 euros)

Merci aux éditions Anne Carrière pour ce SP.

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