La Baleine thébaïde, Pierre RAUFAST

Présentation de l’éditeur : Fraîchement diplômé, Richeville, jeune homme timide et idéaliste embarque au nord de l’Alaska, sur un bateau. Objectif : retrouver la fameuse « baleine 52 », qui chante à une fréquence unique au monde. Mais l’équipage affrété par le sinistre Samaritano Institute a d’autres desseins.

Au menu : l’inquiétant Dr Alvarez, un hacker moscovite, une start-up californienne, une jolie libraire et des cétacés solitaires, mutants ou électroniques qui entraînent Richeville dans un tourbillon d’aventures extraordinaires.

Pierre Raufast, le roi de l’ingénierie littéraire, poursuit dans son troisième roman sa veine épique. Mêlant la science et la fantaisie, le roman d’éducation et d’aventures, il démontre avec brio sa capacité inépuisable d’imagination et son talent jubilatoire. Nous sommes ici en présence d’un délire imaginatif qui n’a d’égal qu’une arborescence narrative travaillée au nanomètre près. De sorte que, ahuri, le lecteur ne voit pas qu’il a affaire à un véritable programmeur.

Mon avis : Troisième roman de Pierre Raufast paru aux éditions Alma (en 2017), La baleine thébaïde, s’il m’a un peu surpris au début, m’a rapidement conquis, comme les autres. L’intrigue y est plus linéaire que dans les précédents : on suit un jeune homme, sympathique, mais totalement inadapté à la société dans laquelle il vit. Ce qui ne peut que lui jouer des tours. Il est brillant sur le plan intellectuel, mais complètement dévasté sur le plan émotionnel. Sa mère, remariée, le laisse pleurer toutes les nuits dans l’aile opposée du château où ils habitent désormais. Son beau-père l’ignore. Il va, sa vie durant, chercher un amour qu’il n’a pas connu et semble incapable de générer. Il va, sa vie durant, lui chercher un but, à cette vie qu’il ne maîtrise pas.

Et c’est une baleine qui va lui offrir cette chance. Il est engagé par une femme mystérieuse pour une expédition scientifique. Qui, bien évidemment, cache tout autre chose, comme souvent avec cet auteur. Car, et on le retrouve parfaitement dans cet exercice, les apparences ne cessent d’être trompeuses. Et les évènements sont tous liés les uns aux autres, pour le meilleur et, surtout, pour le pire. Car le ton général de cet opus, même s’il reste léger et joyeux en apparence, m’a paru plus triste, plus mélancolique, plus désespéré. Les quatre parties qui le composent sont toutes centrées sur des solitudes de divers individus. Noyés dans la masse, ils ne savent s’y mêler et regrettent leur isolement. Et les citations en exergue de chacune des parties ne prêtent pas non plus à rire : René François Sully Prudhomme, Théophile Gautier, Alfred de Musset, Alphonse de Lamartine. Des grands noms, dont, pour finir, des romantiques de la meilleure eau : ambiance plombée à souhait. Cela ne se retrouve qu’en filigrane, qu’en petite musique de fond dans La Baleine thébaïde. Mais la tonalité est décidément plus grise dans ce roman.

Cela n’empêche pas de sourire souvent. Car le style de Pierre Raufast est toujours aussi léger et efficace. Et son habitude à se citer, à réutiliser les mêmes éléments, les mêmes personnages, pour les intégrer à son intrigue, ou juste pour le plaisir de les voir réapparaître est très plaisant. Et l’on retrouve les assiettes ornées de monstres étranges, croisement d’animaux sans lien direct ; et l’on croise, plus longtemps, et pour le malheur de notre jeune héros, le fameux et sinistre docteur Alvarez ; et l’on aperçoit les rats-taupes, belle saleté ou formidable merveille, hérités de la Fractale des raviolis ; et l’on découvre des références nombreuses au célèbre spécialiste au nom incroyable : Carlos Jose Miguel Pilar-Pilar Gonzalez de Benitez, auteur, entre autres, d’un ouvrage de référence sur les crustacés décapodes. Enfin, pièce centrale de Habemus piratam, l’informatique joue déjà ici un rôle capital, tant elle est présente à tout moment dans notre monde, même si l’on n’y connaît pas grand-chose.

La Baleine thébaïde est un court roman, qui se lit vite et bien. Comme les autres œuvres de Pierre Rufast, la construction en est pensée et réalisée telle une pièce d’orfèvrerie. Elle m’a enchanté et a ajouté une profondeur bienvenue. Encore une lecture plaisir due au hasard et à la richesse de ma médiathèque. Merci aux bibliothécaires qui m’ont permis cette découverte…


2 réflexions sur “La Baleine thébaïde, Pierre RAUFAST

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